Principe de précaution, document unique recensant tous les risques, risque majeur, image de violence, de guerre d’avions qui heurtent des tours, peur récurrente de fin du monde, tout cela crée un climat anxiogène. A force de voir le monde sous l’angle des problèmes, ces derniers finissent par prendre forme et occuper tout l’espace. Notre peur des risques se transforme en fantôme. Nos pensées se peuplent de cauchemars. Des pensées toxiques se nichent au détour de phrases anodines. C’est ainsi qu’à force de parler de risques psychosociaux, de la souffrance, du harcèlement, de la violence on en arrive à ne plus voir que la part d’ombre, à se plaindre et souffrir plus encore.
Sans nier cette vision de la réalité qui tient sa part de vérité, il s’agirait de faire apparaître de bonnes fées. Il y a aussi du bonheur au travail, pas seulement des problèmes médicaux. Si les prophéties auto-réalisatrices jouent dans la concrétisation de nos peurs collectives (on a vu comment certaines rumeurs d’un homme chargé d’une bombe poussent une foule en pèlerinage à s’auto-piétiner), si ces prophéties détruisent, il serait aussi possible d’envisager des issues favorables, des rêves qui se mettent en marche. Pourquoi ne pas nous dire que nous ne sommes pas à l’abri d’une bonne nouvelle. Pourquoi ne pas s’efforcer de voir autrement ? Petit test : que voyez-vous ?
Le premier réflexe d’un ensemble d’individus du cadre dirigeant à l’ouvrier est de dire dans 80% des cas : « mais enfin je vois une erreur ! ». Pour notre part, nous préférerions voir 3 additions justes. Mais non nous cherchons la faille. Est-ce là un réflexe culturel ? Pas si sûr, pour avoir testé l’exercice auprès de chercheurs américains, membre d’un peuple réputé incorrigible positivistes, eux aussi tombent dans le panneau.
Eduquons-nous donc mutuellement à voir la vie en rose, pour la faire advenir. Jouons de l’effet placébo et de la méthode Coué. Concentrons-nous sur l’indicateur proposé par le Bhoutan : le BIB « bonheur intérieur brut ». Nourrissons-nous de ce lait de jouvence. Cultivons des relations de qualité. Commençons par évoquer les ressources psychosociales (empathie, lien, vision positive, attention à soi et aux autres, temps maîtrisé, travail en équipe), plutôt que seulement de ressasser les risques. Si tous les problèmes d’organisation ne se dissolvent pas forcément dans une solution psychologique, du moins ils deviennent plus supportables. Le regard sur le monde change le monde. Il n’est de réalité que construite et échangée par des hommes au cours d’actions entreprises ensembles. Faisons en sorte que nos perceptions croisées se concentrent sur les issues les plus heureuses et réalisons-les.