Cette nouvelle séance indique une autre façon de transformer une organisation.. Il s'agit de laisser de côté les idées habituelles de la "conduite du changement" avec tout le vocabulaire et les idées classiques sur "la résistance au changement", le "jeu des acteurs" les "relations de pouvoir" qui nous renvoie vers la lutte des classes d'après guerre pour imaginer laisser une plus large place aux récits des gens et reconnaître leurs savoirs et capacité d'innovation. L'idée est de mener l'action d'accompagnement sur les rapports aux savoirs et non de vouloir faire passer une idée préexistante à tout prix.
L'idée d'innovation salvatrice rebute. L’idée « d’objet du savoir » comme livre précieux, relique enserrant des propriétés intrinsèquement valable ou encore artefact est réductrice, car elle laisse penser qu’un savoir peut exister sans un homme pour en avoir conscience. Un arbre fait-il du bruit s’il n’y a personne pour l’entendre tomber ? L’idée d’apprentissage dépasse l’idée du seul objet de savoir car l’acte d’apprendre mobilise concomitamment celle de la transformation des rapports aux savoirs. Il n’y a pas de savoir sans rapport au savoir. Ce rapport au savoir peut s’établir de multiples façons Cette transformation des rapports concerne le rapport à soi, le rapport aux autres et le rapport au monde. Apprendre et innover c’est s’adapter à ce qui nous entoure et simultanément nous stimule et nous inquiète. Apprendre et innover procèdent donc d’une transformation d’un rapport au monde. Dans un rapport il y a l’idée de distance physique, psychologique, temporelle, sociale . Il y a aussi l’idée de mouvement. Si je me déplace, la distance à l’objet, l’angle de vue change, le rapport est transformé. Le savoir est moins un objet mobile qu’une façon d’être relié et de relier. C’est que disent chacun en s’appuyant sur sa discipline propre différents chercheur pour qui le rapport peut être :
- Un lien
- Une interaction
- Une connexion
- Une reliance
- Un feed-back/rétroaction
Mais, le rapport au savoir et à l'innovation est aussi sujet à un cadre d’analyse , ou un système, une forme sociale, une structure sociale qui évolue avec et non contre les gens..
Quelle que soit la référence utilisée, il y a l’élément qui relie, celui qui est reliée et l’ensemble de ce qui relie et de ce qui est reliée. En somme, le savoir est un indissociable du rapport au savoir. Sans personne pour l‘éprouver, le savoir n’existe pas. Sans personne pour l'adopter l'innovation n'est qu'une intention. Comme avec la lecture sans lecteur, le livre ne se suffit pas à lui seul. Il ne satisfait pas par lui-même ses fonctions. Lorsque le savoir est placé au rang d’objet, il peut être possédé, consommé, détruit, on en fait un fétiche, de même pour l'innovation qui peut être rejetée. On imagine que le savoir peut passer de main en main et qu’on peut le transmettre. Quand l’autre en est dépossédé, c’est comme s’il lui manquait quelque chose, c’est comme si cette pièce manquante le handicapait, comme si l’ignorant était lui-même un handicapé. La formation se voit alors parée d’une fonction réparatrice. Il s’agirait de recoller les morceaux d’une histoire à laquelle il manque une pièce. L’autre devrait alors être rempli ou guidé dans l’usage de l’objet. Et quand l'objet est réputé nouveau innovant et qu'il s'agit de le faire passer de force la distance grandit encore.
C'est pourquoi, le savoir et l'innovation peuvent aussi être envisagés en tant que rapport. Car comme précédemment énoncé, il n’y a pas de savoir sans rapport au savoir. Il n'y a pas d'innovation sans usage. Auquel cas la formation vient moins combler un manque qu’aider chacun à établir ses propres rapports à soi, aux autres et au monde. Dans le premier cas la formation réussie si elle remplit et comble une absence, dans le second cas, si elle facilite l’établissement de liens. Dans le second cas le formateur est un médiateur dans le premier un sachant. Si le savoir est avant tout rapport au savoir, alors le point d’origine de celui qui relie est essentiel , son désir, ses projets importent. Alors que si le savoir est partie d’un tout et que chaque pièce compte c’est la bonne vision de l’ensemble qui importe. De même chacun vivait ou estimait bien vivre avant une innovation, il s'agit donc de lier innovation et apprentissage pour que de nouveaux rapports à soi aux autres et aux mondes s'installent. C'est pour quoi les grands plans d'investissement par exemple dans une nouvelle technologie ne suffisent pas pour que des usages et des cultures changent, il s'agit que chacun puisse faire partie de l'histoire de la transformation et participe des nouveaux usages.