La formation continue joue mal son rôle d’appui au développement des compétences managériales. Elle est dévoyée par des présupposés gestionnaires qui ne jouent pas en faveur de son efficience. Il en résulte un tropisme vers des pratiques pédagogiques traditionnelles connues et mesurables combinant : salle-groupe-formateur. Cette organisation pédagogique produit le risque de couper les participants de leurs expériences réelles. Les contenus de formation managériale oscillent alors entre apport de contenus à la mode sur la motivation, le leadership ou le travail coopératif, et des recettes comportementales sur la communication, les matrices de décisions ou des outils pré-pensés.
Contrairement à ce qui est observé quant à la façon d’apprendre des managers en prise avec la réalité, la situation d’apprentissage avec des équipes et des projets réels est encore peu développée. La formation est le plus souvent régie par les spécialistes des ressources humaines plutôt que par des opérationnels du métier, elle se traduit fréquemment par des catalogues visant à atteindre des objectifs définis a priori et peu par des actions concrètes, ou la construction d’un engagement par les participants eux-mêmes. Elle se coule dans un présupposé pédagogique comportementaliste se conformant à des référentiels eux aussi définis.
En fait, la formation est perçue comme une dépense, un coût, plutôt que comme un investissement. Elle entre en comptabilité comme telle. C’est même une dépense qui suit la conjoncture économique et que l’on cherche à comprimer en cas de difficulté. Cette perception économique de la formation est particulièrement visible dans l’exemple des e-formations si peu soutenues. Ou lorsqu’elles sont valorisées c’est moins pour leur qualité que parce qu’elles sont moins couteuses.
L’adulte en formation est placé sous tutelle. Il existe une méfiance sur la liberté d’initiative individuelle pour se former, surtout quand l’employeur paye. Il en découle un contrôle par les employeurs des formations autorisées car susceptibles de répondre au besoin mutuel de l’individu et de l’entreprise. Mais ce contrôle est-il adapté quand les employeurs peinent de plus en plus souvent à prévoir le développement de leurs marchés ou ne voient dans leurs collaborateurs qu’une ressource humaine dont ils ne se privent pas d’externaliser l’activité quand les conditions économiques sont plus favorables dans un autre pays ? Il résulte de ce constat que la formation est plus sujette à calcul qu’à projet émanant de l’individu lui-même. Ceci n’est pas sans conséquence sur les motivations à apprendre. Si l’individu ne maîtrise pas son projet d’apprendre, il ne s’investit pas forcément.
Il existe aussi une méfiance autour des nouvelles pratiques par exemple le coaching. Ces pratiques nécessitent en effet une compréhension plus fine des mécanismes pédagogiques désorganisent la vision comptable qui consiste à mesurer des heures passées dans une salle. Pour faire simple, mais cela fait l’objet de thèse complète sur le sujet, elles sont donc l’objet de multiples suspicions, allant de la fraude à la dérive sectaire à l’inefficacité.
Alors que les compétences sociorelationnelles sont essentielles à l’exercice de l’activité managériale, il subsiste une approche ambiguë du développement personnel. Il est soit considéré comme du seul ressort du collaborateur auquel cas c’est une formation qui devrait être de son initiative, soit utilisé comme une façon de résoudre un problème organisationnel par une supposée faiblesse psychologique individuelle.
Il y a peu de support des apprenants par les managers dans les situations d’apprentissage au travail. Cet état de fait est peut-être à rechercher dans l’organisation des études qui fait de chacun le héros de sa propre histoire d’apprentissage, mais également d’une méconnaissance profonde de nombreux dirigeants des phénomènes éducatifs.
La e-formation connait de nombreux barrages à son développement : débord du travail sur le monde personnel, non reconnaissance de son efficacité, problème d’imputation comptable, outils d’apprentissage décalés par rapport aux équipements individuels. Pourtant ces derniers ne cessent d’augmenter et les individus sont de plus en plus souvent équipés et parfois mieux que ce que ne permet leur organisation de travail.
Par le poids des stratifications sociales, il y a peu de mélange des publics en formation. Ainsi il est courant d’affirmer en comité de direction que le projet stratégique est coopératif, d’annoncer aux managers intermédiaires que le management participatif est important, d’affirmer aux collaborateurs que la force de l’entreprise c’est le collectif, mais à aucun moment les destinataires de ces messages ne sont formés ensemble. Il y a un écart entre l’intention affichée et les réalités vécues.
Il y a certainement moyen d'améliorer les conditions de formation des managers.