Deux façons de penser le monde semblent de plus en plus s’écarter. Deux images les illustrent. La première est celle de la « pyramide » caractérisée par la verticalité des relations, le contrôle et l’organisation des prérogatives d’accès à l’information porté par des systèmes d’informations administrés. La pyramide renvoie au pharaon dont le trône est soutenu par une masse d’efforts qui se cumulent pour une réalisation. La seconde est celle des « rhizomes », ces chemins multiples pour accéder à croissances spontané et désordonnée qui se développent soutenu par les potentialités du web 2.0. La logique des rhizomes procède de la créativité de la naissance et de la mort rapide d’une racine non viable. Les bénéficiaires sont moins facilement prévisibles puisqu’ils sont partout et dépendent plus de ceux qui font que de ceux qui ordonnancent.
Les questions de transformation des organisations glissent du monde physique vers le monde électronique. Cette transformation affecte une variété d’usages, de mode relationnel, de représentation du travail de soi, de l’autre. Le passage de la pyramide au réseau touche les hommes, les hiérarchies, la représentation graphique des organisations de travail, les missions et leurs articulations. En réalité plus que de passage, il faudrait parler de superposition ou d’hybridation tellement les deux réalités coexistent.
Avec la révolution internet, la porosité entre les moyens de communication personnels et professionnels, la question déborde du monde physique et engage la question dans le monde électronique. C’est pourquoi, pour moi, il est désormais question de pyramide digitale et de rhizomes numériques.
- Le mot digital a la même racine que le mot doigt. Le mot embarque avec lui la capacité de compter sur ses doigts, d’ordonnancer le monde, de le mesurer de le saisir ;
- Le mot numérique est apparenté au nombre, c’est un mot qui ouvre au « grand nombre » et à leur propriété d’infini, d’agrégation.
Pyramide digitale
Hiérarchisation des données
Arborescence a priori
Login/password
Workflow de tâches, tracées et contrôlées
Ergonomie rationnelle
Information descendante et remontante (silo)
Rhizomes numériques
Expression spontanée de besoins
Folksonomie : classement à partir des usages (indexation personnelle)
Liberté de circulation et d’accès
Délinéarisation des usages
Prise en compte des ergonomies individuelles
Co-construction de sens par agrégation
Ce qui se joue actuellement c’est une transformation dans les façons de penser, les formes organisationnelles, l’urbanisation des systèmes d’informations (fermés/ouverts, centralisés/décentralisés, local/cloud, utilisateurs spécialistes/utilisateurs amateurs), l’expression des intentions mono-pilotée ou au plus près des usages.
Cette transformation donne lieu à des débats pour le niveau de désordre acceptable, pour le partage du pouvoir, pour l’évolution des structures, en particulier informatiques qui conditionnent le vivre ensemble. Nous assistons à un rééquilibrage entre le monde minéral et le monde du vivant. Des règles collectives parfois rigides et des singularités individuelles parfois difficiles à canaliser. Gageons que c'est à l'interstice de ces deux mondes que se niche le pouvoir créateur des organisations.