La communauté professionnelle est un réservoir d’histoires, de savoir-faire de connaissances, d’hommes et de femmes qui disposent d’expériences, de croyances, de rêves, d’émotions et de visions sur le monde.
Tout d’abord une communauté professionnelle est une histoire qui se tisse à plusieurs. Elle se distingue donc de l’amas, de l’assemblage ou du regroupement plus ou moins organisé d’individus. Dans une communauté, il y a des liens qui s’inscrivent dans la durée. Des récits circulent et nouent petit à petit la trame de l’histoire collective. Même s’il garde sa singularité, chacun tire un fil de l’histoire commune et participe du tout. Il est influencé par le devenir commun par le récit des autres mais il ne s’y laisse pas totalement absorber. Cette histoire partagée est une culture. Chaque récit parle des héros éminents, des rituels passés, des usages et du sens d’un geste encore accompli. Cet ensemble peut être qualifié de savoir partagé par la communauté, car, il influence les manières de faire et de juger. Il oriente les critères esthétiques, pratiques, éthiques et de performance dans lesquels la communauté reconnait l’action juste. Ce savoir se développe, se partage s’invente, se réplique. Des « mémes », équivalents culturels des gènes pour les faits sociaux, se transmettent, mutent et transportent dans la noosphère le monde en partage. La noosphère ou « monde des idées » est un lieu de stockage et d’élaboration de futur possible. Un rapport au savoir de la communauté s’instaure avec les partisans de l’aventure et ceux de la fermeture à de nouveaux savoir, avec ceux qui souhaitent hybrider la culture en place, et ceux qui souhaitent la garantir dans la durée. Le savoir ne se contente pas d’être débattu ou critiqué, il est mis en œuvre. Il est nommé savoir-faire c’est une part importante de la connaissance individuelle.
Chacun se prévaut dans la communauté professionnelle d’un style propre dans le réemploi du savoir commun. Le savoir s’est transformé en connaissances. Les connaissances sont incorporées. La connaissance marque le style et la personnalité de celui qui les détient. Chacun pose sa marque sur le savoir et le modifie imperceptiblement. Le savoir-faire devient personnel. La connaissance se « prendre avec soi » embarque toute la communauté car chacun est redevable des multiples améliorations nuances dont il hérite dans son savoir-faire par l’histoire vivante à laquelle il participe.
En cela par l’actino d’adaptation de chacun de ses membres, la communauté est expérience humaine, labile, résiliente. Elle mute au fur et à mesure des événements auxquels elle est exposée. Elle joue de deux mouvements. D’une part elle se plie à la forme du monde qui vient, d’autre part, elle réemploie et réinvente ses découvertes au gré des nouvelles conditions et techniques sociales et numériques. Chacun fait évoluer les liens au sein de la communauté par les liens qu’il établit singulièrement avec le monde.
Ainsi la communauté projette ses croyances au-devant d’elle-même. Elle se laisse guider par des idées anciennes qui lui tiennent lieu d’origine tout en les traduisant, les adaptant au gout du jour. Parfois elle meurt de ne parvenir à infléchir l’histoire qu’elle entretien avec elle-même ; Les croyances qui la guident pouvant contenir en germe des freins trop forts à tout mouvement de nouveauté. Les croyances sont portées par les habitudes, les succès passés plusieurs fois éprouvés. Les croyances sont aussi sujettes à une contagion émotionnelle où ce qui importe est moins ce qui est rationnellement établi que par qui a émis l’idée ou la proposition. La communauté laisse entrapercevoir des initiatives déviantes ou marginales.
La communauté est donc plus qu’une liste de noms, une classe d’âge ou un appariement ethnique, c’est un partage émotionnel une façon de vibrer aux événements que certains expriment avec plus d’intensité que d’autres. Ceux-là sont des leaders informels. Ces leaders par leur capacité à se lier, à coller à la communauté à ses enjeux sont en mesure d’exprimer une vision du monde et de la place que la communauté peut être amenée à y jouer. Cette vision, ne s’exprime pas toujours par des mots. Elle se traduit plutôt par des engagements. Parce que ces engagements apportent un supplément de prévisibilité, la communauté d’attachement octroie au leader un plus grand pouvoir d’agir en son nom. Elle le laisse faire car elle anticipe pour elle un destin lui donnant à son tour plus de pouvoir d’agir.