Introduction
La qualité en formation renvoie à plusieurs objets tels que la qualité du processus de formation (de la conception, à l’animation, à la gestion et à l’évaluation des effets), la qualité des interactions entre les acteurs parties prenantes (négociation, définition des intentions, conditions de mises en œuvre et de rétribution), l’adéquation de la formation aux enjeux des hommes et des organisations, la qualité du service coproduit (l’apprentissage et ses effets immédiats individuels et collectifs), l’efficience (lien entre moyens mis en œuvre au regard des objectifs atteints). Incidemment selon qui analyse la qualité de la formation (financeur, dirigeant, participant, politique) les critères et les modalités de fixation et d’évaluation de la qualité peuvent être diamétralement différents. On se souvient des systèmes qualité OPQCM, normes Afnor ou ISO qui essayent d’approcher ce que pourrait être un dispositif de qualité. Si l’OPQCM s’appuyait sur des déclarations des clients attestant la qualité, les normes Afnor ou ISO avaient des visées régulatrices et procédurales plus fortes. L’un des risques étant la construction d’un face à face entre maitrise d’ouvrage et maitrise d’œuvre et l’oubli de l’apprenant. Un processus pouvait être réputé de qualité sans qu’à aucun moment les objectifs de l’apprenant ou son désir d’apprendre n’aient réellement été pris en considération. Il en résulte la passivation des apprenants. Les procédures avaient été respectées, les fiches de contrôles à chaque étape du processus étaient bien remplies on en déduisait que la formation était de qualité. Ce raisonnement excluant l’apprenant et les effets sur le travail est à écarter à un moment où l’enjeu n’est pas seulement la qualité de la formation mais la qualité de l’apprentissage. Au-delà de la seule mémorisation technique ces sont bien aujourd’hui les effets de l’apprentissage qui nous intéressent : effets sur la motivation à apprendre, effets à piloter son parcours, effet sur la capacité d’apprendre à apprendre, effet sur la confiance en soi et dans son organisation, effet sur la reconnaissance, effet sur le pouvoir d’apprendre ensemble et pour des buts appropriables.
En tout état de cause, l’une des difficultés est de repérer la finalité et les conditions de mise en œuvre des formations et des apprentissages sous-tendus, car les éléments qui vont fixer ce qu’est ou n’est pas une formation de qualité vont varier en fonction des finalités visées. J’en distingue trois finalités transactionnelles, finalités sociales et finalités transitionnelles.
Finalités transactionnelles.
Les finalités transactionnelles correspondent à l’idée d’un gagnant-gagnant entre le collaborateur et son employeur faisant l’objet d’une contractualisation. Pour mener à bien la mission immédiate et maintenir son capital de compétence, il s’agit de s’adapter au travail ou aux projets. Si la formation est une adaptation au poste de travail, la qualité de la formation pourrait être évaluée par le rapport entre les moyens mis en œuvre relativement au contexte professionnel spécifique et la réussite de l’adaptation, puis la vérification de la bonne mise en œuvre. Les effets de la formation (trop rarement mesurer). Les critères de qualité se fixeront sur l’agrément de l’organisme de formation, le pedigree du formateur (diplôme, CV, remise à jour continue), le respect de standard, une évaluation formative ou sommative pourrait garantir l’atteinte des objectifs visés, l’évaluation des effets voire l’obtention d’une certification. Ces finalités sont souvent satisfaites par des modalités pédagogiques de face à face, en inter, ou intra standardisée, des modalités de déploiement où les traces et la gestion priment.
Finalités sociales
Les finalités sociales sont relatives à la place des individus dans l’organisation, et le dispositif de formation lui-même. La formation de qualité prendra au mot l’idée du stagiaire acteur de sa formation, dans la conception de la formation. Les finalités sociales induisent la création d’une maîtrise d’usage à côté du maitre d’ouvrage et du maitre d’oeuvre. Sur le parallèle qu’il n’est de meilleur connaisseur de son logement que l’habitant (le maitre d’ouvrage et l’architecte ne vivent pas dans l’habitation), la maitrise d’usage associe le stagiaire fortement à l’apprentissage qui le concerne au premier chef. Une formation de qualité est alors une formation qui donne sa place à l’apprenant positionné en formateur occasionnel, expert de sa situation professionnelle, explorateur devant relever le défi de concevoir son savoir. Dans ce type de finalité sociale les dispositifs de formation sont des dispositifs qui sortent du paradigme behavioriste ou l’on définit un objectif, des contenus, des modalités pédagogiques. On passe là de dispositifs qui distribuent des savoirs à des dispositifs où l’on construit ses savoirs. La qualité sera ici évaluée selon la capacité des dispositifs à « rendre acteur de leur formation » les participants. Quand interviennent-ils dans le processus qui les concerne ? Comment leur avis sur leur problème à résoudre est-il pris en compte ? Comment ils peuvent auto-diriger leurs apprentissages ? Quels moyens l’organisation met-elle à disposition pour les aider ? Dans cette perspective la qualité est perçue du point de vue du bénéficiaire et pas dans celle du concepteur. La qualité peut s’appréhender sur ses effets sur les organisations de travail.
Finalités transitionnelles
Les finalités transitionnelles sont celles qui construisent de la confiance vers le futur, et qui développent ce que l’on pourrait appeler l’employabilité (d’un point de vue technique j’ai des compétences pour évoluer dans ma carrière) et la confiance en soi et en son potentiel (d’un point de vue psychologique je suis en mesure de me projeter et de faire des choix autodéterminés). Si je l’on fixe comme enjeu pour la formation de participer à l’émancipation des individus, c’est-à-dire à l’augmentation de leur pouvoir d’agir au sein et au-delà de leurs organisations de travail, les critères de qualité doivent prendre en compte la façon dont le projet d’apprentissage a pris en compte les motivations intrinsèques de l’apprenant et sa capacité à apprendre. Une formation de qualité sera alors une formation qui tout en construisant des compétences techniques, développe dans le même temps des ressources individuelles, collectives professionnelles, des capacités d’apprendre à apprendre. Autrement dit une formation de qualité permet à l’apprenant de faire des choix libres, de repérer les moyens et stratégies d’apprentissage qui sont efficaces pour lui et les projets qu’il poursuit. C’est une formation qui fait le pari inconditionnel de la capacité de l’individu d’évoluer et de l’organisation de lui offrir des perspectives, ou de créer ensemble des évolutions. Ce type de finalité induit un niveau de maturité managériale capable d’accompagner des formations moins utilitaires mais ouvrant à plus d’innovation et de préparation à l’inconnu. Ces finalités bénéficient à la société toute entière et pas seulement à l’employeur ou à l’individu.
Conclusion
Le regard porté sur la qualité en formation s’appuie sur l’agentivité de l’apprenant. Selon la place qu’on veut bien lui laisser agent à adapter – acteur de sa formation ou sujet construisant son histoire professionnelle, l’appréciation de la qualité ne sera pas la même et les modalités à évaluer différeront.