On connait les théories de Maslow et de ses besoins à satisfaire allant des besoins primaires au besoin de développement de soi. Pour Richard Ryan, théoricien de la motivation parmi les besoins fondamentaux d’un être humain, il y a le besoin de donner et de recevoir, celui d’être affilié et d’appartenir à un groupe mais il y a aussi le besoin d’être reconnu. La question de la reconnaissance est une question cruciale pour les directions des ressources humaines. De nombreuses études montrent la fragilité des reconnaissances extrinsèques (signes extérieurs de reconnaissance, évolution du statut reconnaissance financière ou symbolique, promotion de carrière). Le regard de l’autre importe l’argent importe mais selon Herzberg les motivations extrinsèques joueraient plus le rôle de facteur de démotivation que de facteur de motivation. La reconnaissance pose de nombreuses questions. Qui a la légitimité de reconnaître ? Le pair ? Le chef ? L’expert ? Y a-t-il reconnaissance quand celle-ci n’est pas reçue comme telle ? La reconnaissance n’est-il pas un phénomène complexe nécessitant une danse collective ou chacun s’accorde aux autres? Quel rôle joue la comparaison sociale dans le processus de reconnaissance ? Suis-je vraiment reconnu si tous bénéficient de la même reconnaissance ? Comment se faire reconnaitre ? Faut-il être le « fayot » de service pour s’octroyer un peu d’attention, capter un peu de reconnaissance ?
La reconnaissance est ce retour d’information sur ses actions, ses résultats, son engagement adressé par son environnement professionnel. La reconnaissance n’est en effet pas la seule tape amicale du chef (au demeurant très paternaliste), le clin d’œil d’une autorité, ou d’un expert, c’est aussi un état d’esprit collectif dans lequel chacun envoie à chacun des signes du plaisir de travailler ensemble. La reconnaissance est autant verticale : échanges entre le responsable et ses collaborateurs et réciproquement qu’horizontale : échanges entre collègues. L’échange de signaux de reconnaissance tient des pratiques sociales des mammifères. Ce sont des rituels d’épouillage des singes qui se rapprochent et font œuvre de bonne manière pour consolider les liens sociaux.
Et si la tendance de nos sociétés individualistes glorifiant les egos à l’infini ne nous plaçaient dans une impasse créant une inflation de besoin de reconnaissance, aboutissant à ces discours lénifiants où il s’agit de remercier jusqu’à la moindre personne ayant vaguement participé à un projet, ou à l’organisation d’un événement. Comment reconnaitre ? Comment individualiser la reconnaissance ? Les métiers, les contextes engagent-ils des formes de reconnaissances identiques ? Reconnait-on de la même façon l’effort d’un jour et le projet de plusieurs mois ?
Norbert Alter affirme que les organisations ne savent pas recevoir ce que les collaborateurs veulent leur donner. Les directions attendraient quelque chose, les collaborateurs donneraient autre chose. Tout se passe à la façon d’une pièce de boulevard dans laquelle les personnages n’aiment pas le bon partenaire et ne savent prendre ce qu’on leur donne, désirant une autre relation inaccessible. Saura-t-on dans les organisations imaginer la scène jubilatoire où tous les personnages enfin réunis arrivent enfin à se parler et à dénouer ce qui les motive et les réuni ?