L'unanimité c'est en première instance l'accord de tous sur un objet, une décision à prendre. L'unanimité renvoie à un processus social d'accord de toutes les parties prenantes rassemblées. Ce processus qui conduit à une issue unique présente à la fois un risque mais est aussi une opportunité d'instituer un fonctionnement de groupe plus cohésif.
Le risque de l'unanimité
Le risque de l'unanimité est connu des spécialistes de socio-dynamique sous le nom de "groupthink" ou "pensée de groupe". Il s'agit d'un dévoiement de l'unanimité qui glisse de l'accord total et éclairé de chacun à la fausse unanimité, ou chacun se range à un avis qu'il croit majoritaire ou mieux étayé. Les phénomènes d'intimidation, les jeux d'influence, le jeu des rôles et des statuts, les effets de leadership, faussent l'accord qui n'est qu'apparent. Ce type d'accord ne dépasse pas le bord des lèvres de chacun et ne pénètre pas profondément dans chacun. Chacun de conforme à l'avis général pour réduire tension sociale et inconfort d'une situation qui pourrait conduire à se marginaliser du groupe. L'individu est infléchi dans ses croyances/désirs/choix/avis issu de son expérience par l'expression d'une pression sociale intériorisée et diffuse.
Le bénéfice de l'unanimité
Pour tirer bénéfice de l'unanimité, il s'agit pour chacun de disposer d'une sécurité ontologique (sûreté de soi dans l'existence, disposer de ses propres repères) et d'une maturité émotionnelle (capacité de faire avec ses frustrations et celles des autres). Ces deux conditions évitent l'altération de ses perceptions/sensations/sentiments/jugements. Elle requiert le temps du conflit socio-cognitif ou se prend une décision, d'aller en conscience librement au bout de sa pensée, de l'articuler à ce que chacun est vit et sait. L'unanimité est donc un processus exigeant qui nécessite la liberté de penser, de s'exprimer, de s'auto-ajuster aux autres. Elle nécessite de s'interdire des arguments d'autorité ou de statut, formel ou implicite. Elle a besoin de dé-hiérarchiser les relations d'échange, de les désexpertiser pour aboutir à un consensus librement construit. La qualité d'une décision à l'unanimité est donc le fruit d'un espace de dialogue et pas seulement de discussion ou de débat ou le plus habile/savant/expert/chef aura le dernier mot. L'unanimité prend le temps de se mettre ensemble au diapason. Elle ne compromet pas une vue singulière d'un sujet. Elle est un effort de clarification de chaque mot, de chaque adjectif, de chaque formule pour dépasser la facilité du vote (qui crée majorité et minorité), de la négociation (qui crée des déséquilibres), ou du compromis (qui génère de l'insatisfaction).
Chercher l'accord dans le moindre détail jusqu'à ce que le moins bavard, le plus réservé, le moins puissants ait voix au chapitre constitue ce chemin difficile de la concorde.
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