Margaret Gilbert enseigne la philosophie des sciences sociales. Elle s’intéresse dans cet ouvrage aux situations éphémères vécues à deux, véritable atome du lien social. Pour elle, il existerait des sujets collectifs irréductibles aux sujets individuels : des sujets pluriels. Elle aborde ce thème à partir de question simples : qu’est-ce que c’est que faire quelque chose avec une autre personne, par exemple marcher ensemble ? Pour l’auteur, il y aurait une alternative à l’individualisme. Elle la nomme engagement conjoint. Il s’agit d’une situation où une intention commune s’exprime et crée des obligations réciproques. Chacun est obligé par la situation commune et endosse le but conjoint comme un seul corps. L’exemple de la marche côte à côte, aux rythmes mutuels ajustés constituent une forme de contrat que chacun va être tenu de respecter. Cela s’inscrit dans l’idée de Durkheim qu’un groupe constitue une synthèse d’individus humains. Cette synthèse est révélée par une manière inextricable d’agir ensemble. Cette façon d’appréhender les phénomènes sociaux conduit à considérer les visées propres des groupes sociaux non comme juxtaposition d’actes individuels, mais comme des actes d’une entité capable de sentir, de penser, et d’agir. La participation à des actions conjointes habilite chacun à des actions appropriées envers l’autre. Dans l’exemple de la danse chacun a une intention de faire corps avec l’autre et agit et réagit en fonction des mouvements de son partenaire. L’étroitesse du mouvement commun est révélatrice du sujet pluriel.
La socialisation est grossièrement la formation d’un groupe social. Pour l’auteur l’analyse des concepts familiers de « faire quelque chose ensemble » peut mettre en évidence la structure des groupes sociaux. La connaissance des motifs de l’autre renforce l’intention commune. Mais comment opère le passage de l’objectif personnel partagé à l’intention commune et aux obligations réciproques qui en découlent ? La présomption de l’autre est insuffisante pour constituer l’intention commune elle requiert une forme d’expression de sa volonté par la personne elle-même, l’autre et conjointement. Cette expression consacre le sujet pluriel et autorise l’emploi du nous, et le groupement de volonté. Le sujet pluriel a des croyances en commun, conçoit des actions partagées, se distingue par le nous, et l’intention commune. Une convention sociale s’installe qui crée des obligations réciproques. C’est le moment où l’on a affaire à une association et pas à une simple agrégation.
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Marcher ensemble. Essais sur les fondements des phénomènes collectifs
Ce recueil d'articles est l'occasion pour le lecteur français de découvrir le travail de Margaret Gilbert, enseignante en philosophie de l'université du Connecticut et l'auteur d'un ouvrage ...