Michelle Blanc se présente comme transsexuelle, bloggeuse, conférencière et spécialiste du numérique. Elle a publié plus de 2600 billets sur son blog et en a tiré plusieurs ouvrages. Sa dernière recherche à paraître porte sur la cybercriminalité sexuelle. La rencontre avec la fameuse bloggeuse se déroule dans son quartier général un cyber-café branché, le Laika rue Saint Laurent, une rue qui coupe l’ile de Montréal en deux confluence de toutes les influences de la planète, paradis du street-art.
Pour Michelle, il y a trois facteurs qui limitent les apprentissages collaboratifs.
Le premier facteur est culturel. C’est un facteur clé qui facilite le développement des échanges et des collaborations en ligne. Pour Michelle, plus les sociétés sont hiérarchisées et bureaucratiques, plus l’information et le pouvoir sont liés. Chacun est alors incité à faire de l’information un avantage concurrentiel pour se positionner sur le marché du travail. Par ailleurs des sociétés dogmatiques peuvent tourner en boucle et valider sans critique des savoir douteux ou préjudiciables, c’est ce qui se produit dans la situation des fanatiques religieux, ou le savoir est entre soi qui ne cesse de se renforcer et de couper la communauté des autres.
Le deuxième facteur est relatif à la motivation initiale de la volonté d’échanger et d’apprendre ensemble. Michelle distingue plusieurs situations :
Type de motivation
Définition
Communautés de militants ou de passionnés
Les militants de la connaissance comme les wikipédistes ou les passionnés suivent une passion un idéal et sont payés de retour par la reconnaissance qu’ils gagnent. Mais ce modèle est peu applicables en entreprise, qui n’est pas toujours un monde de passion et d’investissement personnel.
Communautés ouvertes, réseau sociaux en ligne
Ces communautés peuvent fonctionner avec l’effort de quelques pionniers, mais une grande masse d’individus va profiter de l’effort sans participer, au bout d’un moment les animateurs peuvent se lasser
Communauté promue par les institutions publiques
Les institutions publiques essayent de promouvoir les échanges car c’est une façon de créer de la valeur, et de développer des services éducatifs gratuitement, sans payer pour. Si les institutions et gouvernements financent de nombreux projets, il en est peu qui perdurent
Communautés académiques
Les professeurs et chercheurs peuvent partager, car dans la course à la publication c’est un moyen d’acquérir plus de réputation, qui va permettre de mieux faire progresser leurs travaux et leur carrière
Communautés internes aux entreprises
Ces communautés sont souvent tenues à bout de bras par des animateurs professionnels, car la situation économique tendue des entreprises place les individus en situation de compétition à la moindre difficulté, chacun a donc intérêt à préserver ses atouts et connaissances
Communautés d’étudiants
Ces communautés sont tenues par l’obtention d’un diplôme et donc obliger de participer aux LMS ou progression pédagogique imposée par l’institution éducative
Le troisième facteur est le temps à consacrer au partager des savoirs. Autant, il est possible d’accepter de partager dans une année une ou deux heures, autant un engagement fort de plusieurs heures par semaines ou par mois est autrement plus difficile, auquel cas une communauté qui échange peu et consacre peu de temps à sa mission produira de peu de valeur. A moins qu’une masse critique ne se mette en place ?
Michelle porte son regard sur deux autres questions
Tout d’abord le développement de la e-formation. Pour Michelle, il y a cependant une transformation éducative majeure portée par les MOOC qui vont accélérer la transformation des business-model des écoles de commerce et université. Michelle, reprenant à son compte la pyramide Maslow et la croisant avec les besoins que satisfait internet indique que les premiers besoins restent la sécurité et les besoins primaires, si ces besoins ne sont pas satisfaits les partages seront difficiles.
Ensuite la question n’est pas seulement de partager la connaissance, mais surtout de la valider. Chacun touché par un cancer, ou une panne de chauffe-eau peut s’instruire par lui-même sur son sujet et échanger avec les autres. Mais qui va valider que les informations trouvées sont les bonnes ? Qui va assurer que la décision à engager est la bonne ? Il y là une transformation des rôles d’experts amener à devenir des valideurs, des aides du public dans la qualification et la recherche
En conclusion, si le savoir est devenu accessible, il est important de ne pas oublier les réalités économiques dans lesquelles chacun baigne, pour ne pas créer des usines à gaz qui ne servirait pas.