Pour un observateur extérieur, tel que moi, le Québec se caractérise par la prégnance du fait communautaire, la mixité des populations. L’un des premiers partis politiques dispose dans l’article 1 de sa constitution la volonté d’indépendance par rapport au Canada. L’histoire du Québec est vieille de plus de 350 ans. Elle est marquée par la conquête de territoires, la confrontation à l’autre et la prise d’espaces de communautés les unes par rapport aux autres. Les communautés indiennes des « peuples premiers », les premières communautés d’immigrants européens (Français, Écossais, Anglais etc), puis les vagues récentes d’immigration (économique ou estudiantine) posent la question des façons de vivre ensemble et de faire société. Ce substrat communautaire, cette vision du vivre ensemble est peut-être propice à une démultiplication des formes de réunion et d’apprentissage. L’hypothèse que je formule est qu’il y a un lien étroit entre le politique et les formes éducatives. Autrement dit, et de façon peut être raccourcie, « expliques-moi comment se déroule l’enseignement chez toi, je te dirai quel peuple tu es ». En tant que terre d’immigration le Québec est confronté à la question des repères communs, de la langue de travail, de l’altérité. Il doit gérer son passé colonial (par exemple les pensionnats pour les indiens, les processus de déculturation), son présent (l’accueil de nouveaux migrants) et son futur (le maintien d’une identité notamment linguistique, l’ouverture sur le monde). Ce contexte culturel explique certainement une variété de pratiques éducatives. Peut-être est-il favorable à une vigoureuse innovation pédagogique ?
En effet, l’enquête que je mène dans le milieu de l’éducation au Québec, fait ressortir une variété de pratique d’apprentissage collectif, par le collectif, avec le collectif. Les apprentissages se déroulent au sein d’ensembles humains prenant une multitude de désignations. Chaque dénomination, associe des pratiques différentes, faisant varier l’expression de l’intention, de la posture du formateur/facilitateur/guide/mentor/tuteur/coach/expert, de la place de la technologie, des façons de co-élaborer les connaissances, des modalités privilégiées de transmission, du rôle des espaces, de la taille des collectifs (de 2 à plusieurs centaines), de la souplesse ou codification des protocoles, de la dimension formelle ou informelle. Je relève une multitude de pratiques ou le collectif joue un rôle clé telles que:
- Groupe de co-développement
- Groupe d’échange de pratiques
- Groupe-classe
- Petit groupe
- Groupe de parole
- Groupe de pairs
- Groupe projet
- Cercle de legs
- Cercle de dialogue
- Cercle de confiance
- Cercle d’étude
- Communauté d'apprentissage
- Communauté virtuelle d’apprentissage
- Communautés de pratiques
- Communauté de clients
- Communauté de créateurs
- Communauté digitale
- Living lab (laboratoire vivant)
- Action-learning
- Classes inversées en petites équipes
- Cohortes d’étudiants
- Knowledge forum
- Team building
- Equipe naturelle de travail
- Réseau (en ligne ou pas)
- Webinar
- Classe virtuelle
- Organisation apprenante
- Dyade
- Jumelage
- Tutorat
- Mentorat
- Compagnonnage
- Etc .
Il y a un accueil naturel des pratiques en provenance d’Europe ou des Etats-Unis (45minutes d'avion). Toutes ces modalités listées renvoient à l’idée d’apprendre à plusieurs. Toutes ses modalités s’entremêlent et se combinent au gré des pédagogies engagées qui ne se limitent pas à appliquer une méthode. Le talent des pédagogues est de concevoir des écosystèmes d’apprentissages au sein desquelles les interactions sont profitables à tous. Tout se passe comme si les modalités pédagogiques autorisaient des appartenances multiples à des formes collectives ou de groupes variés. La construction du sentiment d’appartenance parait plus inclusive dans un vaste ensemble culturel qu’exclusive à un micro segment. Peut-être est-ce pour cette capacité d’accueil que le Québec attire une telle masse d’individus ?