Vivre une expérience d’apprentissage dans un Learning Lab est un moment exceptionnel, où l’on sent que les pratiques pédagogiques peuvent se réinventer, qu’on est un acteur d’un ré-enchantement et que rien ne sera plus jamais comme avant dans les façons d’apprendre.
Les Learning-Labs sont apparus il y a moins de 10 ans. Ils sont apparentés aux Living Lab, ou Mind Lab. Ils ont en partage avec ces derniers de vouloir transformer des pratiques. Si les Living Lab et Mind Lab se centrent sur les pratiques d’innovations sociales ou de politique publique, les Learning Labs se spécialisent dans l’accompagnement des transformations pédagogiques.
« Un Learning Lab est un lieu et un écosystème d’expérimentation et d'innovation sur les nouvelles formes de travail et d'apprentissage collaboratif. Ces espaces collaboratifs innovants ont recours simultanément aux outils numériques, aux environnements, équipements, supports d’apprentissage et méthodes pédagogiques favorisant l’intelligence Collective ».’ (selon la charte Learning Lab Networks)
Plusieurs expériences réalisées au cœur de learning-lab pour penser les usages de formation managériales me conduisent à identifier 10 caractéristiques qui fondent cet « apprendre autrement » enthousiasmant :
1 - Le learning-lab est un espace de rencontre et de partage. Avant d’être une salle attrayante et colorée, équipée d’ordinateurs, ou de vidéoprojecteurs derniers cris, cet espace s’ouvre au monde. Il favorise la mixité professionnelle, fonctionnelle, institutionnelle et hiérarchique. Il permet par ses équipements de liaison vers l’extérieur, par exemple une visioconférence ou un robot de téléprésence, d’associer un collègue absent, ou un expert lointain. Par brassage et mélange des genres il autorise la sérendipité, cette rencontre du hasard et de l’intelligence. Il favorise l’émergence d’idées et de concepts novateurs.
2 – Le learning lab est un écosystème d’apprentissage. Ce qui compte dans un tel écosystème ce sont les interactions. Si la pédagogie des groupes restreints a beaucoup décortiquée la relation entre le formateur et les stagiaires, les phénomènes de régulation et de leadership, le learning lab est un environnement d’apprentissage en mouvement, rôle, angle de vue, posture, liens entre les participants ne cessent de bouger. A l’apprenant « acteur de sa formation » s’ajoute le collectif au cœur des savoir d’interaction. Le learning lab combine la puissance d’un collectif à la subjectivité des individus.
3 – Le faire collectif l’emporte sur le dire individuel. Le learning lab induit un état d’esprit, où il s’agit de collaborer, de produire rapidement, de prototyper, de bonifier, de communiquer par l’action. Le learning lab c’est une logique de « makestorming » ou l’on fabrique vite et l’on améliore des prototypes. Si l’on exprime une idée, c’est un autre qui l’améliore et un troisième qui est amenée à la défendre et un quatrième à l’utiliser. Le produit de l’apprentissage est concret et partagé. C’est une fierté commune et communicative.
4 – La confrontation au numérique est centrale elle capte l’énergie et l’intérêt des participants. La manipulation alternative d’objets physiques ou numériques (tablettes, tableaux interactifs, smartphone, télévoteurs), pose des questions d’ergonomie des usages. A quoi sert donc ce que l’on fait ? Comment améliorer nos objets de travail ? Que faire de plus créatif ? Qu’apporte le numérique ? Que retranche-t-il ? Le numérique sert de révélateur pour réinventer un usage.
5 – Les variations proposées au sein d’un learning lab gardent l’attention/la tension vers une intention. Ces variations font alterner : consignes floues ou strictes, temps longs ou courts, types et tailles de groupes (travail par 2, par 3 par 4 par 6, tout le monde ensemble, jamais avec les mêmes partenaires d’apprentissage), réflexion et action, temps de confort et d’inconfort, temps de prise de distance et temps de réalisation, intériorité et extériorité. La démultiplication des variations laisse penser que le chaos s’empare de l’espace, que tout est hors de contrôle, que le sens échappe. Cette variation est un reflet de la vie qui coule, une métaphore de la complexité, un apprentissage de la résilience.
6 - Le learning lab cultive l’expérience vécue ici et maintenant. Il substitue une intention à un objectif et un programme prédéfini. Le learning lab est un incubateur d’expériences à vivre ensemble, auquel chacun va donner du sens en fonction de ses propres préoccupations. La dynamique est expérientielle. Elle joue sur le registre de l’émotion qui ancre les apprentissages. L’émotion collective renforce le plaisir d’apprendre et de s’ouvrir.
7 – L’esthétique et le confort du learning lab, la fluidité des circulations (fauteuils roulants et ergonomiques) dans des espaces gais, adaptés, modulaires, la simplicité dans les regroupements participent de « la pédagogie du flow ». Ce sentiment d’être connecté à soi-même aux autres, à l’activité qui se joue. Ce flow c’est l’énergie de poursuivre et d’accomplir ensemble. Il participe à ce mieux vivre ensemble. Il est si fort que l’on se concentre dans l’objectif commun et que l’on oublie le temps qui passe. La réussite collective devient plus importante que le respect d’un horaire.
8 – Le learning lab s’inscrit dans un mode d’animation qui tient de la mise en scène des situations d’apprentissage. Un cadre d’action est conçu pour que chacun soit sollicité et actif en permanence. Mais le cadre de contraintes, de proposition, de projet, de défi est un stimulant pour découvrir par soi-même, se prendre en main pour trouver des solutions à ses problèmes et des réponses à ses questions.
9 – Déconstruire les croyances, construire de nouvelles idées tout mettre en miette pour inventer à nouveau sont des apprentissages qui se réalisent dans un learning lab. Le learning lab produit de la créativité tout autant qu’il génère le groupe. Produire un projet c’est se produire en tant que communauté, avec ses règles et ses usages, c’est produire un artefact qui prouve que nous l’avons fait ensemble. Le learning lab renforce le sentiment d’efficacité personnelle et le sens du collectif.
10 - Le learning lab joue de la force des traces. Les murs sont conçus pour être inscriptibles, photographiés, les outils numériques et collaboratifs permettent de se lier avec des acteurs externes. Les productions sont captées, en permanence. Elles sont visibles de tous les groupes qui avancent chacun de leur côté tout en voyant la trame commune qui s’élabore. Chacun même éloigné des autres a le loisir de savoir ce qui se produit partout ailleurs au sein du collectif. La co-action, le savoir que d’autres vivent le même rythme produit un effet d’entraînement.
Gageons que les learning lab types IDEA Lyon inséré dans un réseau d’autres espaces d’exploration (Learning lab network), mobilisant des animateurs compétents (OKONI), et proposant une finalité de partage des savoir construits dans une perspective d’open education (voir les travaux de Sophie Touzé), deviennent un incontournable pédagogique.
Si nous avons besoin de nous préparer à résoudre des problèmes qui n’existent pas encore avec des compétences dont on ignore encore tout, en somme, si nous avons besoin d’apprendre à apprendre, le learning lab pourrait bien faire partie de la solution. A la croisée des technologies éducatives, des méthodes pédagogiques collaboratives, des environnements qui augmente le pouvoir d’agir, le learning lab est un puissant outil d’accompagnement dans la transition des pédagogies numériques et collaboratives.
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