Un professeur émérite d’une grande école de commerce Française, auteur d’une dizaine d’ouvrages s’emporte un jour que je contestais sa définition du leadership en évoquant la place et l’idée de démocratie. Il dessine un triangle équilatéral sur une feuille de paper-board, pointe du doigt le sommet et affirme avec certitude. Le leader est le chef. Le chef est au sommet de la pyramide. Les pyramides inversées n’existent pas. Il ne peut en être autrement. Voilà l’avis tranché d’un homme ayant consacré sa vie à étudier la question des organisations, du management et du leadership. Et si malgré ses certitudes il avait tort ? Et s’il confondait l’exercice du pouvoir et le leadership ? A force de confondre d’une part l’autorité conférée par la place, le diplôme, le grade, le statut et d’autre part celle concédée par les groupes, les collaborateurs et les suiveurs, l’idée de leadership se réduisait, s’instrumentalisait, pire encore se naturalisait sur la prédestination génétique des dirigeants ? Pourtant le leader n’est jamais un leader en titre, il est un leader en fait. Il est leader par sa vision, ses actes et engagements dont la collectivité pressent qu’ils servent ses intérêts. Ce sont bien la vision, les actes et les engagements qui font le leader, pas la place dans l’organigramme ou le statut. Le leader c’est De Gaulle, alors qu’il n’est pas le plus haut gradé, parce qu’il prend l’initiative de la résistance. C’est parce que le leadership est une résultante d’un ensemble de phénomène, du jeu des contextes et des personnalités qu’il est si difficile de l’enseigner. Comment enseigner l’engagement au service d’une cause ou d’un groupe ? Aujourd’hui, la plupart des dirigeants cherchent leurs bénéfices. Qu’un secrétaire d’état ou un ministre ne dure pas plus d’une semaine au gouvernement n’écœure plus personne. Une résignation sourde grandit, une désaffection pour le vote s'installe. Face au chacun pour soi une éducation au leadership serait salutaire pour notre société car elle réhabiliterait le collectif. Cette éducation serait faite dès le plus jeune âge dans l’idée de servir plutôt que de se servir. Elle suppose d’emmener chacun à penser au sens de sa vie et pas seulement de suivre le chemin tracé d’avance par le hasard de sa naissance. Elle suppose d’apprendre tôt l’action, (sociale, économique, associative ou sportive), utile à soi et aux autres. Elle consiste à partir et valoriser les expériences humaines qui sont toutes autant d’exemples. L’expérience du professeur, celle de l’élève, celle des proches et des voisins. Elle consiste à se baigner dans la différence, de la rechercher et de s’en enrichir. Ce besoin est indispensable au moment où la société se métisse. Le soutien à l’émergence du leadership démocratique devient essentiel lorsque les grandes sociétés privées imposent leurs conditions aux états, les mettent en faillite pour leur seul intérêt. A l’élitisme étroit et endogamique que produit notre société, il est plus que temps de proposer une autre alternative. Cette alternative est une éducation précoce au leadership démocratique, à l’engagement local, au service de causes collectives. Il est d’ores et déjà perceptible qu’en marge des institutions de leurs alliés et opposants qui défendent leurs privilèges et leurs répartitions, des bâtisseurs de démocratie à mains nues s’activent et inventent du futur dans de microentreprises, des associations, des clubs de réflexions, de nouveaux lieux d’échanges, de partage et de coopération. Gageons que du bouillonnement sortiront quelques leaders à même de revivifier voire même se substituer aux dirigeants en place qui ne savent que nourrir des dettes et vendre une à une nos plus belles entreprises. La légitimité de ces leaders sera démocratique car ancrée dans l’engagement au service de tous, selon de nouveaux modèles de pensée, appuyée sur leurs succès et leur foi en l’avenir.
L'éducation au leadership démocratique
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