L’innovation est à la mode. C’est devenu en quelques années le mot clé symbole de renouveau, de performance, de mobilisation, de création de nouveaux usages, de confiance retrouvée dans le futur. L’innovation est parée des vertus du plaisir de la créativité, de nouveaux espaces vivants et agréables à vivre. Il ne s’agit pas seulement d’innover par des produits et des services nouveaux réputés meilleurs et plus adaptés que les anciens (parfois à tords), il s’agit aussi de transformation des schémas de production de ces biens. L’innovation ne concerne en effet pas seulement le produit fini ou service délivré, mais toute la chaîne qui a contribué à la rendre possible. L’innovation est organisationnelle. Elle commence donc dès l’étape de conception.
On devrait même dire dès la-co-conception, tellement l’innovation est associée à un effort collaboratif de tous. Si effort collaboratif il y a, il est devenu possible, parce que l’innovation a touché les sphères décisionnelles. L’innovation est Donc aussi managériale, elle fait évoluer la façon de penser, d’organiser, de déléguer, de contrôler, de reconnaître le travail. Elle se détourne de la prescription pour intégrer la liberté de s’engager et de prendre des initiatives. Quand l’autonomie conférée est forte, il est aussi question d’entreprise libérée (les exemples d’administrations libérées sont encore rares). Mais attention, l’injonction descendante d’innovation est vécu comme un ordre supplémentaire qui s’adapte mal au besoin de liberté, voire de transgression. Les dirigeants sont rarement suivis lorsqu’ils ordonnent d’innover.
La formation professionnelle n’échappe pas à ce vent d’innovation. Elle s’exprime par l’inclusion des technologies numériques. Il s’agit de tirer parti du potentiel des nouveaux outils en réseau, par exemple à l’occasion d’un processus de conception d’une nouvelle, formation en soumettant à des usagers de la dite formation par un courriel de masse un prototype d’itinéraire en cours de finalisation. Les futurs usagers ont leur mot à dire dans le design d’un dispositif qui les concerne et qu’ils sont invités à habiter. Elle prend racine dans de nouvelles approches d’écoute des collectivités qui demandent de moins en moins de stage et de plus en plus d’aide dans la résolution de problèmes concrets, par exemple faire que deux quartiers d’une ville qui s’ignore reprennent une communication normale . Le stage de communication ou de planification urbaine reste utile pour l’acquisition des fondamentaux, mais y est adjoint un processus
d’apprentissage centré sur le terrain. En formation, l’innovation bouscule également le rôle des formateurs, c’est ainsi qu’avec de nouvelles technologies ils sont invités à être plus facilitateur que seulement répétiteur de contenu. La création de tutoriels d’autoformation pour l’apprentissage du marquage au sol en matière de voirie oblige à repenser la place du formateur comme aide à l’appropriation du tutoriel. Le bénéfice en est un accroissement de l’émancipation de l’apprenant face aux savoirs. Ici il apprend à apprendre. A chaque fois que l’apprenant est mis en situation de construire son savoir plutôt que seulement de le recevoir, il s’engage, il se motive, il prend plaisir à agir. Tout l’enjeu des nouvelles salles de formation dites de « co-conception » qui se déploient peu à peu consiste justement à mettre l’apprenant au cœur du processus et pas à la marge, en auditeur passif. Les expériences menées dans les salles de co-conception redonnent le gout et le plaisir d’apprendre par soi-même pour soi-même et pour les autres.Les nouveaux espaces témoignent physiquement d’une transformation des rapports au savoir qui opère actuellement. Ils sont restaurateurs d’un rapport renouvelé au monde, car ils laissent une plus grande liberté pour apprendre.