Se transforme t-on d'abord pour transformer le monde ou est-ce le monde en mutation qui nous transforme ? Ou les deux en même temps ? Pour Gandhi il s'agit d'abord d'agir sur soi, d'être un modèle inspirant pour les autres. C'est une école d’ascèse et de développement personnel qui stipule un ego à transformer. Mais, la pensée non duale insiste sur les émergences, les liens, les simultanéités plutôt que sur des séparations ou des explications par des séquences par trop linéaires. La logique A produit B ou A vient avant B dit trop peu des liens invisibles qui nous unissent au monde. Ce qui importe dans une pensée non duale c'est autant ce qui relie que les objets reliés. Poussé à son paroxysme nous sommes un. Le monde est plus fait de tremblements et de circulation d'énergie que d'objets nettement découpés et saisissables. La transformation de soi et du monde se produit simultanément et l'énergie opère des liens. Corps et esprit indissociables sont inscrits dans l'espace et dans le temps. Ce système est disposé et non pas clive. Comme le corps et la pensée non duale forment un système dynamique, il nous invite à écouter ce qui se dit et ce qui ne se dit pas par le moyen du jeu des regards, des inflexions, par l'inscription des circonstances dans nos vies. Les situations que nous provoquons ou dont nous héritons en disent autant sur nos vies que nos récits. Nous provoquons autant les situations que nous sommes provoqués par elles. L'ordre d'apparition des phénomènes est indécidable. La pensée non duale est relative. Elle évite les jugements définitifs, voire elle les englobe car selon la place de celui qui regarde, le réel diffère. De part et d'autre d'une table sur laquelle est écrit un chiffre, l'un voit un 6 pendant qu'a l'opposé l'autre voit un 9. La pensée non duale intègre les perspectives différentes possibles. C'est une pensée labile, rétractable toujours en devenir, jamais figée. Une histoire dont la conclusion peut changer au gré des circonstances et des péripéties qui densifient le présent et relativise les origines et les finalités puisque tout est uni. La pensée non-duale permet d'aborder la complexité car elle procède moins par analyse de paires opposées (vrai/faux, bon/mauvais, avant/après etc.) et plus par acceptation des enchevêtrements et des résonances. Ainsi, elle aide à appréhender les organisations actuelles constituées de multiples éléments en interaction interdépendants et formant un tout. Elle s'exprime mieux par des questions ouvertes que par des assertions définitives. Elle forme une exploration et un lien. La dialogique rend mieux compte de la pensée duale toujours en mouvement, sujette à de multiples sens et pôles d'attraction.