Extrait d'un article paru dans ADN
L’art de la facilitation prend ses racines dans la tradition chinoise et plus particulièrement le Qi Gong. Cette pratique vise à réactiver le Qi, le souffle interne, l’énergie vitale qui anime l’individu, comme le corps social. Un véritable champ énergétique qui, au sein d’une assemblée, a cette capacité de relier les participants et de les nourrir en restituant leur vraie parole en son sein. Le but ultime : réveiller le plus haut potentiel d’un groupe ou d’une organisation en les engageant durablement. Tout cela vous paraît bien obscurantiste ? Reprenons depuis le début.
Depuis ces dernières années, nous avons tous entendu les mots « facilitation », « facilitateur », émerger de partout et d’ailleurs, et plus particulièrement des réseaux sociaux. « La parole des détenteurs d’autorité y était le plus souvent décrite comme descendante, sur le mode : ‘posez-moi des questions et j’y répondrais en faisant semblant de vous avoir écouté. Il devenait urgent de fluidifier la parole, de libérer l’intelligence collective au profit d’une parole horizontale. », Denis Cristol. « Les individus ressentent de plus en plus l’envie d’une expérience irréversible de coopération avec, in fine, ce sentiment d’avoir participé à quelque chose de fort, de pérenne. Cette posture d’autorité verticale les ramène à ces réunions de travail interminables où, comme d’habitude, l’on fait semblant de prendre des décisions ensemble, tandis que la réalité est tout autre : un seul individu aura convaincu les autres de par son bagout ou son statut hiérarchique. » L’ambition de la facilitation est toute autre : « elle emprunte cette dimension holistique à la pensée chinoise où le ‘et’ l’emporte sur le ‘ou’. Les jeux de pouvoir autour de la prise de parole sont atténués, régulés ; la facilitation utilise un ensemble de méthodes qui permettent à chacun de s'exprimer correctement, d’aller jusqu'au bout de sa pensée dans un processus qui les concerne tous, au service de tous ». Pour y parvenir, un parcours de progression en douze points clefs est requis. La présence, l’apprentissage et le flux en font partie « La présence à soi, à la question qui est posée, aux autres. Une présence authentique : je suis engagé, concerné, en cohérence dans cette présence. ». L’apprentissage : « Apprendre ensemble revitalise, donne de l’énergie, du plaisir, c’est quelque chose de très puissant ». Enfin le flux : « lorsque l’énergie circule bien dans un collectif, un sentiment de participer à quelque chose de plus grand, qui augmente son pouvoir individuel d’agir, s’accroit. Elle nous fait nous sentir moins impuissant face à des choses qui nous semble impossible à faire. » Le positionnement en cercle, les grands espaces, la philosophie du massage Tuina, favorisent cette circulation d’énergie et cette forme de leadership partagé où il n’y a pas une personne au-dessus des autres, mais une personne avec les autres. « Lorsque nous avons trouvé en nous cette posture clef, le voyage ne fait que commencer. ». Pour autant la pratique de la facilitation requiert-elle la présence d’un facilitateur professionnel ? Oui, potentiellement considère Denis Cristol.
En début de process, il peut poser un cadre, organiser l’assemblée de manière à ce que les participants abordent les débats de manière la plus apaisée, plus sereine. Il peut également proposer des modalités d’interaction différentes de l’ordinaire : ne pas être strict, ne pas prendre la parole pour rebondir, élaborer son point de vue, ne pas chercher à avoir raison à tout prix. Il est important de construire sa parole et de bonifier celle de l’autre ; « toujours est-il que ce facilitateur devra rapidement s’effacer. La parole doit être portée par le collectif et non pas par une fonction définie, au risque de revenir à des pratiques d’animation ; ou pire d’appliquer des outils mécaniques type icebreaker. Le groupe doit s’auto saisir de lui-même.» Dès lors que se pose une question authentique, une volonté forte de construire un futur commun, la facilitation est véritablement le meilleur biais. Quel avenir pour la planète, le climat, la cohésion sociale…. ? C’est la question authentique qui va guider le groupe, devenir le leader de son assemblée. « Le groupe a véritablement du pouvoir pour agir dans des expériences irréversibles de co-création créative. Et quand vous avez vécu ce genre d’expérience - avez créé quelque chose de solide et de durable avec un collectif constitué de gens que vous ne connaissiez pas forcément bien au départ - il y a quelque chose de jubilatoire ». Bâtir une vision commune.
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