Jules Verne écologiste

Texte Jules Verne  / Christophe Malavoy

texte d'ouverte de la convention Apm Nantes 2023 sur lequel j'ai eu le plaisir de travailler
 

Chers amis,

C’est un grand plaisir de vous accueillir ici, dans cette belle ville de Nantes où j’ai écrit une grande partie de mon œuvre. La ville était alors, vous le savez, un important port maritime et un lieu de passage pour tous les navigateurs et les explorateurs ; ce qui a sans doute nourri mon imagination.

C’est là d’ailleurs que le Nautilus, le sous-marin du capitaine Némo fut construit et c’est là aussi que partit la fameuse expédition pour retrouver les enfants du capitaine Grant.

Je suis donc né à Nantes, tout près d’ici… il y a bientôt 200 ans. Oui, je sais, je ne fais pas mon âge… j’ai gardé mon âme d’enfant que voulez-vous, c’est peut-être pour ça. N’oubliez jamais votre âme d’enfant !... c’est elle qui nous fait voyager loin, très loin…

Ah ! Qu’est-ce que je viens d’entendre ?... Vous me demandez si je suis… comment ?... si je suis Breton ?... excusez-moi, cela me fait sourire… suis-je breton ? la grande question n’est-ce pas ? J’ai l’impression que cela vous taraude et vous divise d’ailleurs depuis pas mal de temps. Eh bien, je vais vous dire… j’ai ma petite idée, mais je me garderai de vous la livrer. Je sais, Pays de la Loire ou Bretagne, c’est la question qui fâche. 

Laissons donc cela de côté.

La légende raconte que lorsque j’étais enfant, je me suis caché dans la cale d’un navire en partance pour les Indes, pour explorer le monde et assouvir ma passion de la découverte. Cette légende me plait … J’avais à peine 11 ans mais au dernier moment, mon père, hélas, m’a rattrapé et a empêché ce voyage. Ma mère, bretonne, était pourtant fille de navigateurs et d’armateurs, j’avais ça dans le sang comme on dit. Cet épisode m’a beaucoup marqué et j’en ai tiré cette leçon, écoutez bien : « Suivez toujours votre intuition première. Au fond de soi est la vérité. Vivez vos émotions en vrai, les yeux grands ouverts plutôt qu’en les rêvant. »   (Il répète lentement la dernière phrase)

Moi, plutôt que de voyager, j’ai donc écrit des aventures à vivre dans ce monde dont j’ai tenté de repousser les limites. J’ai écrit 62 voyages extraordinaires, autant d’histoires mêlant aussi bien la science que la géographie, la physique, l’astronomie, l’océanographie et les connaissances de l’époque. Certains disent que je suis l’inventeur de la science-fiction. Il est vrai que Le Voyage au centre de la Terre, Le Tour du monde en 80 jours, De la Terre à la Lune, ou encore Vingt mille lieues sous les mers ont marqué les jeunes générations de mon époque. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?... Je ne sais pas, je l’espère. On me dit que mes romans ont ouvert la voie à beaucoup d’explorations et qu’un grand nombre de mes inventions se sont réalisées et existent aujourd’hui. Si l’homme a marché sur la Lune, croyez bien que j’en suis très flatté. 

Ce que j’ai rêvé en somme, vous l’avez fait.

Quand je vous vois là, tous réunis autour de moi, en société savante, confrérie d’entrepreneurs intrépides, formateurs, pédagogues, experts en toutes choses, je vous envie. Oui, ce que j’ai rêvé, vous l’avez fait, vous le faites. Vous avez traversé des frontières, voyagé au-delà des mers, des continents, vous avez utilisé votre imagination, votre audace et parfois même votre courage pour bâtir ce monde. Maintenant, je peux vous le dire, j’aurais aimé être aussi, comme vous, un entrepreneur. 

Comme vous, j’ai toujours aimé inventer, imaginer les mondes futurs et les péripéties de l’exploration humaine et scientifique.

Si je suis là parmi vous aujourd’hui, c’est que nous avons quelque chose en commun. Oui, nous avons la même passion, celle d’explorer ces mondes sociaux qui se transforment et qui nous transforment. Vos entreprises sont une part de vous-même, importante je le sais, vous y avez mis votre talent, votre persévérance, votre cœur, et comme chacun de mes personnages, vous cultivez cet idéal d’apporter votre pierre à l’édifice d’un monde que l’on souhaite tous meilleur.

Ici, tout à côté, vous avez dédié un grand espace à mon nom : Le Métaverne. 

C’est un grand honneur pour moi et je vous en remercie.

Métaverse et Jules Verne : Me voilà donc en partie la vedette de ce forum riche en découvertes. Mais je comprends mal les usages de ce monde virtuel nommé métaverse qui vous fascine, tant la matière, le réel m’inspirent. C’est parce que le réel résiste que nous avons des prises pour l’explorer. 

Métaverne ! En somme, à vous entendre, je serais l’incarnation de la modernité et du progrès. 

Sachez qu’il n’y a qu’une chose qui m’a donné le goût de vivre et d’écrire : La curiosité et j’ajouterai aussi le bonheur incommensurable et infini de l’imaginaire. 

J’ai toujours aimé la géographie, les cartes, j’ai toujours aimé en dessiner dans mes livres, les rendre vivantes, explicites… ici un arbre, là une montagne, une rivière, un itinéraire… même chose pour les océans, les profondeurs… là des dauphins, des baleines, ici un kraken… un monstre marin…

J’aime la nature et j’ai toujours eu à cœur de la protéger.

Tous mes héros s’y confrontent. Dans Vingt Mille Lieues sous les Mers, Le capitaine Némo fut mon porte-parole :

Je vous lire des extraits qui datent maintenant de plus de 150 ans, mais vous allez voir comme cela va vous apparaître d’une actualité criante…

(Il ouvre son livre et lit )

• "La nature est un perpétuel émerveillement." (Extrait de "L'île mystérieuse")

• "La nature ne fait rien en vain." (Extrait de "De la Terre à la Lune")

• "La nature est un livre qu'on ouvre une fois et qui ne se referme jamais." (Extrait de "Les Enfants du Capitaine Grant")

• "La nature est magnifique, mais elle est aussi cruelle." (Extrait de "Le Sphinx des glaces" 

• "La mer, la grande mer, comment pourrait-on vivre sans elle ? Elle rend les hommes plus simples, elle ne les rend pas meilleurs, mais elle les rend plus humains." (Extrait de "Vingt mille lieues sous les mers")

“Cependant le capitaine avait raison. L’acharnement barbare et inconsidéré des pêcheurs fera disparaître un jour la dernière baleine de l’océan”. (Extrait de "Vingt mille lieues sous les mers")

Il répète lentement 

“L’acharnement barbare et inconsidéré des pêcheurs fera disparaître un jour la dernière baleine de l’océan”

Tout est dit

(Il ferme son livre et s’emporte )

L’océan est pollué, mes amis. Il est souillé par les immondices de la terre et de la mer. Les ports déversent dans ses eaux leurs déchets et leurs ordures, les rivières y déversent leurs eaux chargées de matières organiques et inorganiques, les navires y déversent leurs huiles et leurs déchets. Il n’est plus possible de se baigner dans certains endroits, sans risquer d’y laisser sa peau. Les poissons et les crustacés sont contaminés, les algues et les mollusques sont pourris. Les courants marins sont perturbés, les tempêtes sont aggravées, le climat est modifié.

Prenez soin de l’océan, 

Prenez soin des montagnes,

Prenez soin des forêts, 

Je vous en conjure. Je vous en prie.

Rien de grand ne se fait sans le sentiment de l’amour et le dépassement de soi. Puisez en vous  la beauté pour faire de ce monde ce dont vous pourrez être fier et transmettre aux générations futures. Aimez-vous, aimez ceux qui vous entourent, aimez ce que vous avez créé. La nature nous soutient toujours, elle est une grande inspiratrice. Ressourcez-vous en elle. Respectez-la, car elle est un élément majeur de votre épanouissement.

N’est-ce pas ce que nous disent Michel Strogoff et Nadia Fédor quand ils traversent la Sibérie en plein tourment ? Même aveuglé, Michel Strogoff trouve les forces pour combattre et triompher de l’adversité. Cette force, elle lui vient de la nature et de sa foi en elle…

Soyez des forces de la nature !

J’aimerais vous lire maintenant un extrait des  Indes Noires, quand il est fait constat de l’énergie qui vient à manquer  :

(Il ouvre le livre et lit ) 

“Cependant, la nature, si prodigue d’ordinaire, n’a pas enfoui assez de forêts pour une consommation qui comprendrait quelques milliers d’années. La houille manquera un jour – cela est certain. Un chômage forcé s’imposera donc aux machines du monde entier, si quelque nouveau combustible ne remplace pas le charbon. À une époque plus ou moins reculée, il n’y aura plus de gisements carbonifères, si ce n’est ceux qu’une éternelle couche de glace recouvre au Groenland, aux environs de la mer de Baffin, et dont l’exploitation est à peu près impossible.”

Soyez l’humanité des entrepreneurs, ouvrez le chemin pour ceux qui doutent, travaillez plus souvent ensemble pour relever les défis des prochains mondes, soyez audacieux et déterminés. Et si l’énergie de demain était moins faite de combustible fossile mais d’audace humaine? 

Voilà les messages que je voulais vous transmettre aujourd’hui, en toute humilité.

Dans un instant, deux témoins de votre monde viendront à votre rencontre : 

Un aventurier qui aurait pu traverser mes romans, 

Et une héroïne qui ne laisse pas indifférent à qui sait écouter avec son cœur.

Voilà, chers amis, j’ai eu grand plaisir à venir ainsi à votre rencontre et vous souhaite pour ces deux jours en pays nantais, de belles explorations et de magnifiques découvertes !