Si nous voilà à l'ère digitale c'est que nous avons appris à compter avec nos doigts.
Mais, il nous a fallu explorer le vaste monde pour développer quelques savoirs. En activant nos pieds, on bouge aussi nos yeux.. Notre regard se pose alors différemment sur son environnement. Au gré des mouvements, l'angle du regard sur le monde se modifie. Chacun s'aperçoit que les choses présentent des aspects différents. Voyez une grande affiche publicitaire de loin et vous observerez un tableau d'ensemble, un slogan racoleur, un prix un lieu ou toute autres indications chiffrée. Approchez vous maintenant. Collez presque votre nez au papier et vous discernerez les points qui côte à côte constituent l'image. Quelques mètres séparent l’œuvre pointilliste de la réclame, mais les ensembles de neurones stimulés dans le cerveau son variés. Les activités de perception et d'interprétation enclenchées sont différentes. Le rapport au monde s'est transformé par une simple expérience sensorielle.
Collez presque vos yeux sur le visage d'une autre personne, jusqu'à sentir son haleine, jusqu'à voir son grain de peau. Vos yeux deviennent incapables de focaliser un même objet. Le visage de l'autre apparait déformé et vous laissera la vision d'un visage décomposé. Vous verrez une autre personne, presque un monstre. Vous sentirez peut-être percer les mystérieux portraits de Picasso. L’asymétrie fascinante, la décomposition, la décomposition des traits portée à l'extrême.
Changer de regard, ajuster la distance de focalisation sur les choses conduit à voir autrement, à découvrir de nouvelles perspectives. Déplacer votre corps vous a appris que le monde recèle diverses facettes.
Menez de minuscules expériences sensorielles. Laissez vos mains caresser des matières et sentez comment de contact en contact de nouvelles sensations se propagent et sont à la naissance de nouvelles idées. Et si le sociologue Sennet avait raison, si la main de l'ébéniste rencontrant un nœud dans un morceau à sculpter se laisser guider par les nervures du bois, plutôt que d'imposer une idée. Car si l'on imagine que le corps est le jouet de la volonté, qu'un homoncule est caché en nous quelque part pour lancer des ordres, force est de constater que notre volonté succombe aussi aux tentations à portée de nos mains, de nos yeux et de tout notre corps.
Se plonger dans des environnements nouveaux stimule des réseaux de neurones différents, car les couleurs, les températures, l'humidité, les formes, les odeurs qui nous assaillent sont autres. Ces stimulations autorise des affordances et appelle des idées nouvelles.
Changer d'air, voir autrement autre chose, explorer des mondes de tout son corps nous apprend autant qu'un maître et nous rappelle que la nature est l'un de nos maitres.