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APPRENDRE AUTREMENT

APPRENDRE AUTREMENT

APPRENDRE AUTREMENT est le blog dédié aux approches innovantes de la formation dans les organisations


Apprendre en Français

Publié par CRISTOL DENIS sur 9 Juin 2013, 06:01am

Catégories : #Apprendre

En France, le monde de l'éducation tend à oublier (parfois) ses racines, ses traditions et ses ambitions. Les conférenciers aiment utiliser des mots anglais pour attester de la modernité de leurs pratiques. Le monde politique encore déconnecté de la grande masse de la population emboite le pas et favorise l'enseignement dans nos universités en Anglais. Les grandes entreprises nationales, les universités affirment être pragmatiques en adoptant un vocabulaire qui nous ferait défaut. Certains dirigeants nous laissent penser que nous serions en panne de mots mais aussi d'idées. Il faudrait que l'anglais mange tous les espaces. Ceci est une croyance. L'espace francophone permet de laisser se développer des courants de pensée originaux. A un moment auquel on pourrait prêter des caractéristiques Darwiennes "le plus fort subsiste, le plus faible disparaît", il semble important de rappeler que pour l"équilibre d'écosystèmes culturels, la diversité est utile. Un monde de fleurs où l'on ne verrait que des tulipes serait fade, de même qu'un monde où l'on ne penserait qu'à dans une logique anglo-saxonne serait appauvri.

Il faut saluer le monde anglo-saxon ses vertus sont nombreuses, mais aussi pointer ses limites. La diversité des façons de penser dans des langues épousant des rythmes, des cultures des sensibilités semble essentielle à préserver. Des choix, des préférences pour aborder les phénomène sont présents dans chaque mot.

Prenons un exemple à contre-courant. L'anglais distingue le teaching qui est sensé décrire ce que fait l'enseignant du learning qui s'applique à celui qui est sensé être investi dans un processus d'apprentissage. Au premier regard cette distinction apporte un surplus de sens au Français qui avec le verbe apprendre ne dispose que d'un seul mot qui confond les deux actes.

Séparer les deux facettes de la situation semble nous faire progresser, mais elle nous conduit aussi à une vision qui divise durablement le maître de l'élève. Imaginons une nouvelle étape éducative ou apprendre consiste à être indistinctement "hommes-ressources" et "hommes-projets", sans distinction de statut. Séparer les sens du processus d'apprentissage en learning et training empêche de voir que naturellement celui qui dispose d'une intention de transfert est en réalité en train d'apprendre. Ce qu'expérimente en réalité chaque enseignant à chaque instant. En enseignant on apprend son métier. Mais de la même façon celui qui est sensé vivre un processus séparé de learning, ne s'enseigne t-il à lui même? N'enseigne t-il pas à son maître par les résistances qu'il donne, les questions qu'il lui pose son métier d'enseignant? Tout compte fait et bien observé les deux émettent et reçoivent lors du processus d'interaction.

Imaginons que ce raisonnement soit recevable (chacun en jugera), Ne peut-on imaginer que les mots charrient avec eux des façons d'appréhender le monde ? A force de vouloir être, ressembler, ressentir en langue anglaise, ne finit-on pas par perdre une sensibilité, une vision, une façon de voir les choses, une façon d'apprendre et d'organiser l'éducation et la formation? Les mots-idées-notions-concepts embarqués par la langue apportent avec eux des partis pris. Certains de ces partis pris éducatifs sont dignes d'autres ne le sont pas. Il y a un risque d'avaler le poisson tout cru, gare aux arrêtes. La rationalisation éducative à tout crin à l'exemple des "learning goals" véhiculés dans les normes AACSB qui sont suivies par nombre d'école de commerce, la marchandisation des diplômes dans la logique des MBA, la transformation des universités et des écoles en marque fait qu'aujourd'hui nous rejoignons des standards dans lesquels un jeune va partir dans sa vie endetté pour accéder au label d'une école prestigieuse, trouver un emploi rémunérateur qui lui permettra de rembourser des prêts de plus en plus élevés [les étudiants américains ont en moyenne une dette de 25 000 $ de dettes avant de commencer à travailler soit un en cours de prêt supérieur à 250 milliards$]. Sa première idée sera "j'ai besoin de trouver un emploi qui rapporte vite car je dois rembourser" et non pas "quels sont mes talents et comment les utiliser et mettre au service des autres".

La sémiotique nous enseigne les liens entre la chose, le concept et les mots pour l'exprimer. Par ces trois vecteurs l'idée éducative se transforme. A force de céder, de renoncer à penser dans sa propre langue, on finit par copier les autres avec des idées plus faibles et moins originales, au final cela ne profitera guère car l'on préfère l'original à la copie. Il convient donc d'apprendre les langues étrangères car s'ouvrir aux autres est indispensable, mais il faut surtout de se défier des fausses bonnes idées, des renoncements qui empêchant de développer une langue de culture partagée par plus de 250 millions de locuteurs. Prenons exemple sur les québecois qui défendent plus vivement le patrimoine commun.

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