En France la pédagogie tend à oublier (parfois) ses racines et ses traditions. Les conférenciers aiment utiliser des mots anglais pour attester de la modernité de leur pratique (je n'échappe pas à cette mauvaise manie). Les grandes entreprises internationales, les universités affirment être pragmatique en adoptant un vocabulaire qui nous ferait défaut, nous laissant croire que nous serions en panne de mots mais aussi d'idées. Il faudrait que l'anglais mange tous les espaces. Ceci est une croyance partagée par de nombreux dirigeants, et d'hommes politiques qui "laissent filer". Pourtant l'espace francophone permet le développement de courants de pensées originaux, à l'instar de pensée créative issue du Québec ou d'Afrique. La compétition linguistique fait penser à l'idée Darwinienne que le plus fort subsiste et le plus faible disparaît. Il semble utile de rappeler que pour l'équilibre des écosystèmes culturels, la diversité est utile. Un monde de fleurs où l'on ne verrait que des tulipes serait fade, un monde où le seul mammifère serait une vache serait rongé, de même qu'un monde dans lequel on ne penserait que dans une unique langue, par exemple l'anglais. Ce monde serait appauvri.
Il faut apprendre l'anglais, le chinois, l'espagnol et toutes les autres langues pour découvrir, s'enrichir, aimer et commercer. Il faut saluer le monde anglo-saxon, ses vertus, son énergie, mais aussi pointer ses limites. La diversité de penser dans des langues épousant des émotions, des cultures, des sensibilités différentes semble essentielle à préserver.
Prenons un exemple, l'anglais distingue le teaching qui décrit ce que fait l'enseignant et le learning qui s'applique à ce que fait celui qui est investi dans un processus d'apprentissage. Cette distinction apporterait un surplus de sens au français qui avec le seul verbe apprendre confond les deux actes. A première réflexion bien séparer les deux facettes de la situation nous fait progresser, mais nous conduit à une intelligibilité du monde. On pourrait dire une parmi d'autre. Imaginons une réflexion éducative où apprendre consiste à être indistinctement "homme-ressource" et "homme-projet" et sans distinction de statut. Séparer le sens du processus d'apprentissage en learning et teaching empêche de voir que celui qui dispose de l'intention d'enseignement est en réalité en train d'apprendre. Chaque enseignant à chaque instant sait qu'en enseignant (teaching) il apprend en même temps son métier. Mais de la même façon celui qui est sensé vivre un processus d'apprentissage (learning) ne s'enseigne t-il pas à lui même? N'enseigne t-il pas à son professeur une façon d'enseigner, par les difficultés qu'il rencontre et les questions qu'il pose? Tout compte fait les deux maître et élève émettent et reçoivent du processus d'apprentissage. Voilà un cas ou une. façon de penser en anglais induit une manière discutable d'appréhender le monde.
Imaginons que nul linguiste ne contredise ce raisonnement. N'est il pas perceptible que les mots et leur façon de définir le monde ne charrient avec eux une compréhension des choses, une sensibilité particulière? Les mots-idées-concepts embarqués avec la langue véhiculent des partis pris. Si certains partis pris sont dignes d'intérêts d'autres ne le sont pas. Il y a un risque à avaler le poisson tout cru, gare aux arrêtes.
En conséquence à chaque fois que possible il semble utile d'investir dans notre langue maternelle autant que dans une autre. La vraie richesse c'est le multi ou pluri linguisme mais certainement pas de laisser penser que nous nous désintéressons de la langue de nos pères.