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APPRENDRE AUTREMENT

APPRENDRE AUTREMENT

APPRENDRE AUTREMENT est le blog dédié aux approches innovantes de la formation dans les organisations


ALIN Christian (2010). La geste formation : gestes professionnels et analyse des pratiques. Paris. L’harmattan coll. Savoir et formation.

Publié par CRISTOL DENIS sur 23 Mars 2011, 05:43am

Catégories : #Fiches de lecture

 

 

 

 


Le livre de Christian Alin est consacré à l’analyse des pratiques, à la question des gestes professionnels et à celle de leur transmission. L’auteur est professeur des universités en sciences de l’éducation à l’université de Lyon. Les pratiques et les gestes auxquels il s’intéresse sont ceux des enseignants et des formateurs. C’est par une analyse multiréférentielle, sémiologique et anthropologique qu’il rédige un texte souhaité comme une « chanson de geste ».

Six études constituent la matière de l’ouvrage. Toutes ont été reformulées pour l’occasion à partir d’articles publiés dans des revues académiques. Elles s’appuient sur la discipline de prédilection de l’auteur, l’éducation physique et sportive. Si elles peuvent être lues de façon indépendante, chacune a été organisée autour de grandes questions : la précision de la langue ; l’identification des principaux gestes du métier d’enseignant face aux « allants de soi » ; la relation pédagogique entre un conseiller pédagogique et un stagiaire ; l’autre sujet de langage et d’écoute ; la place et le rôle des récits dans l’analyse des pratiques ; la culture.

L’étude sur la précision de la langue ou l’analytique du langage est présentée comme une méthode de clarification de sens se posant en complémentarité avec d’autres méthodes d’attribution de sens (analyse de contenu, analyse de discours, analyse sémiotique, analyse textuelle, analyse du non verbal, analyse des fonctions langagières etc.). Dès lors, son ambition se limite à décrire la grammaire des jeux de langage que forment les pratiques. L’exemple du « référentiel bondissant », qui a désigné le ballon dans les articles scientifiques sans jamais transformer les pratiques, le montre. Ainsi, Alin nous rappelle avec Wittgenstein que les mots n’ont pas de sens, ils n’ont que des emplois. Il s’agirait donc de contribuer à désigner, clarifier et réaliser avec les praticiens des distinctions utiles en interrogeant en particulier leurs actions et leurs gestes. Il s’agirait de participer à la venue des sciences du langage, de la pragmatique linguistique, des théories contemporaines de la métaphore et de la sémiotique dans les recherches sur les pratiques de l’enseignement et de la formation.

La deuxième étude ouvre sur le métier et l’identité professionnelle. Elle rappelle que chaque métier a son inventaire, ses archives de techniques et de connaissances, son référentiel de gestes qui portent la marque de sa pratique. Si le terme « geste professionnel » est utilisé par les chercheurs, les parents et les enseignants, les élèves parlent de mission, de tâche, de responsabilité. Le geste est lié au corps, c’est un mouvement, une gesticulation signifiante inséparable de la situation. Alin identifie le dialogue, le regard, l’implication, l’ordre, l’écoute, l’autorisation, le partage, le jugement, l’improvisation, le rapport au savoir, la présence et le contrôle. Il s’agit là pour lui des enjeux symboliques propres aux gestes du métier d’enseignant. À la maîtrise de ces enjeux s’ajoutent dans la construction de l’identité professionnelle la prise de décision, le langage verbal ou non verbal, l’image de soi, l’intentionnalité, l’altération, le travail en équipe, l’éthique, la discipline, la théorie personnelle de l’action, les faits, les imprévus, la proxémie. Finalement l’auteur nous indique que la transmission de l’expérience se situe entre le technique et le symbolique, d’où l’importance de comprendre les structures de langage et leur évolution dans le temps.

La troisième étude est une présentation de dispositifs (au singulier ou au pluriel ?), notamment sur la question des gestes et des obstacles didactiques. Elle conclut sur la part de symbole, de partage, d’altérité, de valeurs, d’identité professionnelle, contenue dans le conseil pédagogique. Une architecture éthique s’élabore dans la relation, un dire-vrai, un franc-parler, un souci de soi et de l’autre.

La quatrième étude approche ce qui est nommé sémiologie des pratiques. L’auteur présente une définition de la sémiologie comme un système de signes correspondant à l’inscription, dans une langue, d’une pratique sociale concrète. Dès lors se posent des enjeux éthiques, théoriques et méthodologiques traduits en un programme de recherche consacré à la sémiologie des pratiques sportives. Ainsi l’auteur définit-il les actes en leur qualité de faits qui relèvent de l’instant présent ou sous le jour de récits qui se racontent. Ces actes impliquent un sujet acteur-auteur situé, daté et présent. Les gestes professionnels sont, quant à eux, des représentations qui s’inscrivent dans la durée. Ce sont des discours qui décrivent et se montrent. Ils impliquent un sujet énonciateur anonyme et historique. Actes et gestes sont inter-reliés dans la manifestation d’une identité professionnelle. Finalement son appréhension peut s’opérer par l’analyse des gestes et des pratiques auxquelles ceux-ci sont liés, par la méta-communication qui se produit lors de narration, ou encore par l’analyse comparée d’incidents critiques.

La cinquième étude aborde logiquement la place et le rôle du récit en analyse des pratiques. Pour les enseignants, les récits mythiques font passer du hussard noir de la République à la figure de l’enseignant professionnel. Quoiqu’il en soit et à partir d’une riche mise en perspective des auteurs clés sur l’analyse réflexive de l’expérience (praticien réflexif, histoire de vie, groupe Balint, dispositif d’auto-confrontation simple ou croisée, entretien d’explicitation, incidents critiques), Alin situe la force des récits dans la signification, la mise en intrigue, l’expérience subjective de la connaissance, la construction herméneutique, l’acte de faire, le travail de distanciation. Le récit est mis en valeur dans sa fonction d’adressage d’un contenu et d’une identité. Le récit résonne comme une nécessité de prise de conscience.

La sixième étude traite des langues et des cultures. L’étude expose un programme de recherche sur l’impact du créole dans l’enseignement et l’apprentissage des activités physiques et sportives. L’hypothèse émise est que la langue utilisée peut avoir un impact sur les processus cognitifs moteurs. Dans la relation éducative, le créole agirait sur la compréhension, la motivation ou l’attention, l’expression des émotions ou l’évocation d’images afin de réguler les conduites motrices.

En conclusion de son ouvrage l’auteur nous rappelle la dette que nous avons à l’égard de notre passé, la façon dont notre expérience s’appuie sur cette dette et, notamment, comment le langage nous unit dans une identité collective narrative.

Au-delà du regard sur un métier, ses gestes, ses pratiques et son langage, l’ouvrage éclaire la tension d’un homme au prise avec un projet de recherche. Il témoigne d’une manière de faire de la recherche qui inclue, à travers ses méthodes, ses thèmes, le vécu même du chercheur. Cet ensemble d’études confirme qu’il est possible de lier une intention subjective à la rigueur d’un processus d’exploration et d’analyse. Le geste que nous offre Christian Alin est ainsi une forme de déploiement qui ouvre sur l’autre.

 

 

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