Apprendre avec internet est une
transformation radicale de la pensée, qui déplait/inquiéte/rend fou de rage ceux pour qui l'écrit et le papier constituent un horizon indépassable. Figer un temps des
phrases, les confronter à un référentiel de langage normé, corriger sa pensée ont longtemps été les actes d'apprentissages indispensables pour l'intercompréhension et la construction du débat.
Cependant un effet colatéral d'internet se produit. En même temps qu'il rend accessible à un plus grand nombre la masse des connaissances cummulatives, il libère pour ainsi dire de nouvelles
possibilités qui tiennent d'une pensée sous la forme d'un flux continu, changeant, rapide, imprécis d'informations. Ceci n'est pas sans risque car les informations sont peu vérifiées. Les
internautes et encore plus les mobinautes (13 millions de smartphones en France début 2012) se limitent aux premières occurences des moteurs de recherches. Ils prennent des affirmations peu sûres
pour vraies. Ils trouvent de nouveaux moyens de frauder aux examens et devoirs à la maison qui justifient le recours à des logiciels de contrôle anti plagiat. Le risque de mystification est énorme comme le montre ce professeur en
truquant un devoir à la maison et en piégeant ses éléves allant chercher de fausses informations que le dit professeur a dispersé astucieusement sur la toile (comme le petit poucet et ses
cailloux?)
Pour voir en détail la démonstration visiter :
http://www.laviemoderne.net/lames-de-fond/009-comment-j-ai-pourri-le-web.html
Au passage ce professeur est admirable car il sait établir le contact avec ses éléves pour les aider à penser à partir du réel qu'ils vivent ensemble et non pas réciter ses
cours. Il débat avec eux des usages et ne les subit pas. Il les met en garde et montre le chemin d'un enseignement qui s'intéresse à l'éco-système de ses apprenants et ne se fige pas sur un
contenu à mémoriser ou une méthode à apprendre. (je vous salue Monsieur). En somme il leur apprend à apprendre. Quoi demander de mieux à l'école?
Plus que jamais le modèle d'apprentissage sur internet devrait plutôt être wikipédia que google. Wikipédia se corrige sans cesse est une création collective ou la
connaissance des sachants est contestable (ce qui oblige ces derniers à être plus précis et produit un apprentissage par le mécanisme de la dissonance cognitive), se situe comme un processus ou
chacun est amené à participer et pas seulement à copier.
La question est alors de ne pas se contenter de pomper des informations mais de les enrichir, de les commenter de mettre sa pierre à l'édifice. Il serait en effet regrettable
de voir le mouvement s'inverser sans s'enrichir et de passer d'une logique ou "Je verse du savoir dans la tête d'un autre" à "j'aspire facilement le savoir d'un autre". Inverser les rôles,
remplacer l'arrosoir par la bassine ne permet pas de sortir de la passivité. La construction de la pensée nécessite toujours un travail d'élaboration et de digestion.
Il s'agit d'inventer aujourd'hui des allers et retours pour maîtriser les flux qui ne cessent de grandir, de qualifier les informations, de les corriger, de les intégrer.
Pour suivre l'analogie de la connaissance comme d'une eau qui circule, il convient que cet élément minéral rencontre une graine pour que quelque chose pousse et mature. Cette rencontre
est plus que jamais le travail d'attention des maîtres qui doivent s'intéresser aux usages d'internet et les intégrer dans leurs pratiques, au risque de la dérive observée par le professeur
cité. Cette perspective est passionnante elle fera l'objet de nos expérimentations collectives dans les années à venir.