Actuellement le système
éducatif pousse à apprendre les uns contre les autres. Les classements des écoles préparatoires, les sorties "premier du concours", les accessits et autres prix classent et
distinguent encore et toujours le bon grain de l'ivraie. Les premiers choisissent et les autres subissent. Ceux qui sortent "dans la botte" écraseraient-ils les autres? Cette vision ancien régime
de distribution des honneurs commence par la "voie royale", la filière mathématique qui rafine une élite abstraite.
Cette situation serait peut-être acceptable si elle était organisée dans une compétition juste et équitable mais les mérites révélés tiennent de la construction sociale et de la transmission du capital acquis (social, familial, culturel, économique), comme l'a montré Bourdieu, puis Duru-Bellat. La parabole des talents ne s'étaye pas si facilement par des faits indiscutables. Les élites sociales sont issues d'une base qui ne cesse de se rétrécir et du coup ne représente plus qu'elles mêmes.
Dans la logique d'apprentissage les uns contre les autres peu de place au projet, "fais la meilleure école", "préserves tes choix" dit on aux jeunes "tu verras plus tard ce qui t'intéresse". Il en résulte un gachis scolaire qui se traduit par 180 000 jeunes sortis sans qualification chaque année et un écart type grandissant entre les meilleurs au test PISA (mesure d'un ensemble d'habiletés fondamentales) et les laissés pour compte.
Cet apprendre les uns contre les autres se retourne contre le système à commencer par les professeurs qui reçoivent un flot d'exigences, de doléances et parfois de colère mal contenue et non canalisée car les familles, les jeunes ne semblent pas savoir exprimer clairement le grief et s'orienter dans ce jeu de dupe ou seuls les mieux informés sortent leur épingle du jeu.
Une autre voie est possible, il s'agit d'apprendre ensemble. De faire preuve de solidarité de mettre en avant ce qui nous réunit plutôt que ce qui nous distingue (voir la vidéo de Jacquart ci-jointe). Il s'agit de se départir de la seule visée individualiste pour s'intéresser aux qualités de de coopération, d'altruisme, de travail en équipe, de collaboration, de projet collectif. Tout ce qui est méthodiquement chassé de nos systèmes scolaires puis universitaires car remettant trop fondamentalement en cause le travail souvent solitaire et isolé des professeurs, les aspirations singulières des familles pour leur progéniture, l'effort à réaliser pour qu'un apprentissage à plusieurs fonctionne réellement. Mais sans cet effort de tempérance des égoismes, il est fort à parier que des comportements déviant continuent à se développer et que l'on se désole des dérives de tel trader, de tel homme politique, de tel journaliste, de tel syndicaliste ou de tel dirigeant ne pensant qu'à son avantage personnel. Comment pourrait-il en être autrement si tout au long de son apprentissage ce qui a vraiment compté c'est d'être au dessus des autres et non pas avec eux?