Bruno Chaintron se présente comme ancien consultant en stratégie pour Bain et Cie, ex directeur de la banque Thomas Cook en France. Il est actuellement directeur du développement international de la Poste. C’est au cours de ses expériences d’accompagnement de changement des organisations, qu’il a été amené à s’intéresser au coaching. Le mot coaching est aujourd’hui tellement connoté qu’il n’est pas inutile de préciser les contours de la notion. Le mot coaching tend en effet à remplacer le mot management dans certains discours. De nombreux ouvrages, articles, études étendent le périmètre de la notion au risque de la diluer. L’International Coach Federation. conçoit le coaching comme un partenariat. « Le coach et le client déterminent ensemble l’objectif, le cadre, et les résultats escomptés et le client reste le seul responsable de ses propres objectifs ». Le coaching serait issu des pratiques de l’entraînement des champions sportifs, Timothy Gallway (1992)[1], pédagogue de Harvard et spécialiste du tennis aurait formalisé sa pratique. Le coaching se développe en France depuis les années 80. Vincent Lenhardt (1992)[2] le définit comme l’accompagnement d’une personne. « Cet accompagnement s’apparente à celui d’un entraîneur vis à vis d’un champion, ou d’une équipe championne ». Il est également possible de mentionner le coaching d’équipe. Depuis les travaux de Kurt Lewin, les groupes ont été identifiés comme un moyen privilégié d’agir sur les comportements individuels et collectifs. Les groupes recèleraient un gisement de performance et de changement. Le coaching d’équipe vise à accélérer la maturation des processus de groupes. Pour Olivier Devillard (2001)[3], le coaching est « une technique un peu hybride de développement personnel. Il répond à des demandes édulcorées dans ce sens ». Tout l’intérêt de l’approche de Bruno Chaintron est de proposer une autre approche du coaching qui établit des liens entre mécanismes organisationnels et psychologiques. L’enjeu que se donne l’auteur est bien mis en valeur par la préface de Michel Crozier. Il s’agit de désamorcer les blocages et favoriser l’innovation. Les 10 chapitres sont ensuite égrenés par le moyen d’un dialogue socratique entre un cadre, son patron et leur coach. Le style de la narration nous rappelle au passage tout le rôle de la maïeutique dans l’art du coaching. Pour éviter les poncifs et idées reçues, l’auteur a la prudence de libeller chaque tête de chapitre par une interrogation. Ce qui lui permet d’aborder avec recul des thèmes tels que le sens, les valeurs, la confiance, l’innovation et la responsabilité. Les cinq premiers chapitres exposent les motifs d’impuissance, d’aveuglement et la façon dont les organisations et leurs dirigeants s’enferrent dans des cercles vicieux. Les liens entre dirigeant et organisation sont analysés à l’aune des mécanismes de la décision. L’auteur se référant à la théorie de la rationalité limitée distingue les séquences de décision des dirigeants qui paralysent les organisations. Alors que les dirigeants croient s’inscrire dans des séquences rationnelles du type s’informer/analyser/décider, ils sont souvent empêtrés dans des modes de raisonnement du type ignorer/juger/réagir. Selon l’auteur, en utilisant les bonnes séquences de raisonnement, les dirigeants seraient capables de mieux appréhender les cycles d’apprentissages organisationnels qui passent par une prise de conscience de l’organisation, des initiatives spécifiques, des actions de l’organisation et une réponse en retours de la part de l’organisation. A chaque étape du cycle des « cloisons de verre » peuvent perturber l’apprentissage. Ces cloisons seraient le fait des distances cognitives et relationnelles que vivent chacun des acteurs impliqués et qui vont croissants dans le cycle. La méconnaissance mutuelle des enjeux des acteurs peut entraîner des comportements exacerbés au regard du pouvoir, entraînant des échecs individuels et collectifs. Le comportement des dirigeants et des équipes pouvant devenir obsessionnels ou hystériques. En effet le changement managérial se propageant génère des ajustements parfois incompris. Les cinq chapitres suivants proposent des pistes de réflexion pour pallier aux écarts observés. Dans une organisation hiérarchique, chaque étape est source d’imperfection potentielle. Chacune de ces imperfections est la somme de distances à propos de la stratégie, des consignes, des moyens, des résultats. Si le dirigeant n’y prend garde, les distances menacent de s’alimenter en cascade. Par conséquent pour l’auteur, le cycle de création de valeurs est un processus par lequel les distances se réduisent et se résorbent au fur et à mesure. En effet les organisations qui créent du sens sont celles qui permettent à chacun d’affiner leurs préférences jusqu’à choisir des fins qu’ils considèrent plus élevées. Il est important de faire l’expérience de réalisation de ces fins en adéquation de ce que les personnes sont. Finalement c’est en mariant les fins de « l’organisation-nous » avec « l’organisation-moi » que l’organisation est à la fois autonome et solidaire. Enfin, sur la forme il est à noter que chaque chapitre comporte, des conseils, des schémas explicatifs et des résumés, ce qui facilite la compréhension des idées développées. La conclusion débouche sur la notion de « manager créateur » dont l’auteur à sa façon pétillante résume ainsi l’essence : « Ne juge pas, écoute, engage-toi. Puis crée et sois fidèle à ton œuvre ».