Ce texte a pour objet de favoriser le développement de la pratique des entretiens professionnels. La première partie est tournée vers les conditions de mise en place alors que la seconde s’intéresse à la posture des managers.
Les conditions de mise en place :
Plusieurs conditions de succès sont indispensables pour réussir la mise en place des entretiens professionnels annuels. Tout commence par l’engagement de la Direction générale et l’implication des partenaires sociaux. L’engagement et l’exemplarité de la Direction sont des conditions incontournables. Celle-ci peut s’exprimer par la signature d’un accord d’entreprise en particulier avec les partenaires sociaux. Il faut aussi penser à la formation des managers.
Les managers vont devoir prendre en considération les enjeux, notamment les enjeux économiques du DIF, et comprendre les rouages de la professionnalisation. Ils doivent développer des qualités renforcées pour construire et accompagner des projets professionnels. Apprendre à bâtir des projets de développement, à négocier sur la formation, à adresser un feed-back aux salariés. L’entretien professionnel doit s’articuler avec la politique et les processus RH. Il s’agit d’un processus permanent qui permet de recueillir et d’analyser les besoins en compétences individuelles du salarié. Ces compétences forment le socle des compétences de l’entreprise et s’articulent avec les compétences collectives, qui elles mêmes forment la base de l’avantage concurrentiel de l’entreprise. L’entretien professionnel permet donc d’accompagner chaque salarié dans l’élaboration de son projet professionnel. Le principe est de tenir compte des souhaits et aptitudes du salarié en lien avec les perspectives et évolutions de l’entreprise.
Voici plusieurs conseils pratiques :
- Réaliser l’entretien professionnel en même temps que l’entretien annuel d’évaluation ou de fixation d’objectif s’il existe.
- Mener un entretien professionnel est un processus de management à part entière. L’entretien a tout intérêt à lier objectifs à atteindre, compétences à développer et incidence sur l’évolution professionnelle.
- Sensibiliser les salariés collaborateur et responsables à l’importance de la préparation de l’entretien.
- Planifier l’entretien en lien avec la définition des objectifs et de la stratégie de l’entreprise.
- échanger sur l’opportunité d’engager une formation et aborder une demande de DIF, de VAE, de bilan de compétence, de période de professionnalisation ou tout autre solution de formation
- évoquer les modalités de départ en formation pendant ou hors du temps de travail.
L’entretien professionnel est un maillon essentiel d’un management par les compétences. Aussi les règles du jeu doivent être claires. Pour que les entretiens professionnels soient créateurs de projets partagés et réalistes, une communication, mais également un renforcement des outils d’aide à l’orientation professionnelle, à la construction et à l’évaluation des projets. Ces outils se présentent sous la forme de fiche de poste, cartographie d’emploi, référentiel métier, processus explicites.
La nouvelle posture des managers
Tout l’art du manager, en particulier lors des entretiens d’activité et d’évaluation, consistait à aider son collaborateur à porter un regard critique sur : son travail, ses comportements, ses compétences, à s’auto évaluer. Le manager cherchait, à construire une relation efficace et un engagement dans l’action, en fonction du niveau de motivation et de compétence. Pour amener un collaborateur dans cette logique, le manager est bien armé, car il détient bien souvent :
· une connaissance plus large de la situation et de l’action,
· une plus grande expérience professionnelle,
· une connaissance des critères d’évaluation,
· et surtout une capacité de prise de recul.
Il voit le collaborateur agir au quotidien il connaît ses points forts, ses difficultés. Aider l’autre à progresser consiste à lui poser des questions très précises sur la réalisation de sa mission et de ses tâches. De ce questionnement découle une meilleure compréhension, des attitudes, compétences, comportements à faire progresser. La méthode du questionnement est essentielle, elle permet de passer de la logique du poisson à la logique de la cane à pêche. Dans la logique du poisson, le manager évalue son collaborateur, va directement au fait, lui dis ce qu’il faut faire, et comment le faire, lui fixe son objectif. Dans la logique de la cane à pêche, il pose des questions au collaborateur, il l’écoute, l’aide à repérer comment il travaille, mais c’est lui qui réfléchit, s’interroge, recherche des solutions. La logique de la cane à pêche permet de construire une relation ou le collaborateur est acteur de son évolution. L’entretien professionnel centré sur le développement des projets professionnels va renforcer cette dernière posture. Ceci n’est pas sans incidence sur les rôles managériaux. Adopter ce rôle de miroir c’est croître dans son rôle de manager. Passer d’un rôle de «hiérarchique » à celui de « développeur de compétence ». Dans la première vision du rôle, le manager centre son attention sur la tâche à accomplir, il se pose la question :
- « mais comment vais-je faire pour lui faire faire le travail ? »
Et cette question se pose avec force, car en tant que manager, il est lui-même évalué sur ses performances. Dans le deuxième cas il se positionne en tant que «développeur de talent », il se situe comme un entraîneur de champion. La question centrale est :
- « mais comment vais-je l’aider à développer ses compétences ? »
Dans ce cas il ne perd pas de vue qu’il a une tâche à réaliser, mais il regarde le potentiel humain, le professionnel en devenir.
La réalisation d’une performance, est importante et le regard du manager sur la façon d’atteindre cette performance est essentielle. Le simple fait de la présence physique inspire, les collaborateurs et les équipes. Un objectif utile pour mesurer une progression doit être mesurable soit : quantifiable, soit qualifiable pour des objectifs comportementaux c'est-à-dire être observable. Le lien entre performance et compétence demeure essentiel. Car c’est en s’appuyant sur une observation attentive des performances, et en partageant cette observation avec le collaborateur que le manager pourra l’aider à définir, mettre en œuvre un projet professionnel réalisable qui contribuera à l’atteinte de ses propres objectifs. La technique d’évaluation du responsable comprenant une capacité de distanciation, de choix de critères, de précision, de connaissance des techniques et moyens à mettre en œuvre reste des acquis essentiels dans la conduite des nouveaux entretiens.
En résumé, l’accompagnement par un manager développeur de talent, dans la définition et la réalisation d’un projet professionnel passe par plusieurs étapes :
- de perception par le collaborateur de son rôle, et de la performance attendue,
- de feed-back factuel et au bon moment pour traiter les écarts,
- de questionnement précis sur les problèmes quotidiens rencontrés,
- d’encouragement et de stimulation du collaborateur dans le développement de ses compétences.
La prise en compte des niveaux d’autonomie et de compétence du collaborateur, pour la définition du projet professionnel sont à prendre en compte. Un collaborateur peu compétent et faiblement motivé attendra de son responsable qu’il l’aide dans le projet à construire, alors qu’un collaborateur plus autonome, motivé et compétent sera impliqué plus fortement dans la définition de son propre développement de compétence. C’est au manager de s’adapter au collaborateur.
Enfin il n’est pas inutile de rappeler qu’au-delà de l’évaluation des performances et de l’engagement mutuel dans le développement des compétences, le manager est aussi attendu sur sa capacité à porter ou éclairer le sens de l’action. C’est au manager, de proposer, de percevoir et de stimuler le sens que chacun met dans sa tâche. S’appuyer sur le développement des projets professionnels est une façon de réinterroger, de rechercher, et de concilier les intérêts conjoints de l’entreprise et des salariés.