Le mot dessein est lié avec celui de dessin. Il posséde une grande force d'évocation, car
il interroge les formes de l'apprentissage.
En effet, il est aujourd'hui indispensable de plaider pour le passage de "la gestion de la formation" qui
valorise une conception exclusivement économique à une "culture de l'apprentissage". Créer une culture d'apprentissage induit de fait d'entrer dans une
approche où l'on intervient moins directement sur les contenus (ils sont largement disponibles sur internet), mais plus sur les mises en lien, l'appui dans l'apprendre à apprendre, les
environnements d'apprentissages. Il s'agit de s'inscrire dans une visée ergonomique d'amélioration de l'architecture des bâtiments de formation, des salles et des logiciels et pas
uniquement dans l'amélioration du quadriptyque titre-objectifs-contenus- prérequis des programmes des catalogues.
Dans le premier cas on se précipite vers "l'économie du savoir". On en aperçoit les signes avant coureur avec la
marchandisation du savoir dans les business-school (qui peut se payer un MBA à 58 000 euros dans les plus prestigieuses écoles?), dans la tentative des gros opérateurs internet de contrôler les
réseaux et d'orienter les contenus. Dans la volonté des grandes corporations de privatiser le savoir et d'ériger des barrières économiques pour son accès.
Dans le deuxième cas on engage une "humanité de la connaissance". en phase avec les textes de Patrick Viveret (Reconsidérer
la richesse, 2010 Edition de l'Aube) sur une reconsidération de la richesse, ou de la "philosophie de la responsabilité". Cette humanité de la connaissance s'appuie sur l'idée de dessiner des
"environnements capacitants" (thèse d'Amartya Sen ou texte de Nussbaum sur les capabilités). Il part du postulat que l'individu a une force de contribution et une capacité de
s'engager.
Plusieurs conséquences découlent de la deuxième perspective :
1) ce qui est important c'est d'apprendre c'est le processus d'apprentissage. Les experts en communication savent que le message c'est le
média. Autrement dit la forme qui véhicule, suscite, organise, sanctionne le savoir. Elle a autant d'importance que le fonds. Elle finit par structurer notre façon de
penser.
2) il y a une différence fondamentale entre le savoir qui est un bien commun validé, structuré, socialement normé et la connaissance qui est
individuelle, éprouvé tatônante, humaine, changeante
3) le design de formation part d'un existant, il convient de bricoler et de faire bifurquer cet existant pour concevoir des formations qui renforce chez chacun ses capacités d'action
4) derrière cette perspective se tient l'idée d'auto-apprentissage qui n'est pas aisé pour tous, il faudra donc prendre garde aux plus
fragiles, développer des modalités pour aider chacun à apprendre par lui-même
La difficulté est de passer d'une approche intellectuelle du design de la formation à la pratique. Plusieurs pistes semblent
envisageables :
1) Poursuivre l'effort d'évaluation qualitative des pratiques
2) Poursuivre toutes les expérimentations possibles qui mettent en avant ceux qui apprennent et ceux qui changent leurs façons
d'enseigner
3) Inscrire dans les reportings et les logiciels des organisations publiques et privées des modalités qui permettent d'encourager des formes
plus diffuses de développement des connaissances et pas uniquement du temps de présence
4) Encourager de façon pragmatique les formateurs à améliorer leurs supports et leurs approches
5) Accentuer l'idée de mise à disposition de ressources gratuites pour tous. Ceci peut se faire dans le sens d'un MOOC (massive open online courses). Le MOOC est un dispositif ouvert et en ligne d'apprentissage entre les stagiaires
qui s'enseignent mutuellement. Il vient compléter les efforts de formation des différents.
Si l'on ne change pas rapidement nos façons d'enseigner et d'apprendre, il est fort à parier que nous soyons exemplaires dans notre maintien d'idées passées mais incapables de faire face au futur.