Aujourd’hui il est possible d’affirmer que plus que de changement, il convient de parler de métamorphose. Les façons nouvelles
de faire société et d’apprendre sont induites par des enrichissements de notre environnement culturel. Lorsque l’on parle d’environnement, pour un homme on parle de 2 écosystèmes
inter-reliés : l’écosystème du monde physique et l’écosystème culturel. Le monde physique fait référence à l’ensemble de ce qui nous entoure, ce à quoi nos corps vont se heurter ou
dans lesquels ils vont se nicher. Mais, le monde physique n’est pas fait que d’objets, il est aussi bâti de flux, d’agencements topographiques, de continuité et discontinuité d’espace. Si ce
monde est essentiel nous marque et conserve nos traces, nous allons nous intéresser dans ce texte à l’écosystème culturel. Dans notre propos, la culture fait référence à un ensemble de
symboles, de langages, d’interactions, d’émotions, de sens partagés qui se cristallisent sous la forme d’art, d’artefact ou encore de connaissances. Avec internet, l’écosystème culturel est
actuellement affecté par une circulation accélérée des données, une médiatisation croissante des informations. Les symboles sont portés à la vue de l’autre par le moyen d’écrans fixes ou
mobiles. Si le langage nous relie il nous sépare tout aussi surement. Parfois le sens des mots s’affadit. Le média c’est le message disait le spécialiste de la communication Mc Luhan. Cette
affirmation semble plus vraie que jamais dans le tohu-bohu du flux de données auquel nous sommes soumis. En même temps que les technologies actuelles de communication se développent et font
croitre le volume d’échanges, la sociabilité actuelle se transforme aussi, les contacts physiques avec des proches diminueraient même. Nous serions passés d’une fréquence de 78% de contact avec
un ami en 1997 dans le dernier mois à 66% sur la période en 2004. Les relations de face à face se feraient plus rares et glisseraient vers des liens à distance : les « amis »
des réseaux sociaux.
Les moyens électroniques ajoutent de la complexité et du jeu dans l’interprétation des messages, la qualité du support utilisé pour entrer en contact témoigne de l’importance de la relation. Il y a un monde entre l’envoi d’un texto par SMS, une longue conversation en temps synchrone à l’aide d’un média électronique, une visioconférence, une visite, ou un message asynchrone. La palette des modalités relationnelles et d’apprentissage s’est singulièrement enrichie. La dimension émotionnelle a aussi évolué. De la contention émotionnelle on passe à une injonction d’expression de celle-ci. Cette injonction est d’autant plus forte que le volume des messages est démultiplié et que le bruit de fond augmente. Faire passer un message nécessite de forcer le trait, de jouer sur le registre de l’humour (smiley), de la dramatisation et de la mise en scène. Ce qui faisait sens dans un environnement culturel homogène est perturbé. Un sens univoque ne s’impose plus, il y a une pluralité de sens. La donnée disponible devient une information sur la base d’une élaboration. La donnée digitale suite de 0 et de 1 se transforme en information analogique, interprétable. L’intersubjectivité remplace alors de plus en plus fréquemment ce qui était tenu pour rationnel par les routines et les habitudes anciennes. Alors que certains affirment une perte de sens, il est au contraire possible de soupçonner qu’une multiplicité de sens est en cours d’émergence. Chacun apprendrait des choses différentes à partir d’une exposition aux mêmes données. Les outils de communication ont alors pour conséquence de faciliter la diffusion et l’agrégation d’opinions et l’émergence de nouveaux sens. Ces sens différents qui apparaissent autorisent une augmentation de la dissonance cognitive, c'est-à-dire de la différence d’interprétation d’une même situation. Or cette confrontation de points de vue conduit à renforcer les possibilités d’échanger des points de vue différents et donc d’apprendre.