C’est de Suisse que nous provient un ouvrage fouillé et didactique sur un thème foisonnant et au combien intéressant pour comprende la marche des entreprises. Christian Thuderoz est professeur au centre des humanités de l’INSA de Lyon. Dés 1997, son travail de sociologue l’a conduit à produire plusieurs ouvrages portant sur « La sociologie des entreprises », ou « La négociation : essai de sociologie du lien social ». Le présent écrit s’inscrit dans une volonté pédagogique à l’égal de son « manuel de sociologie pour ingénieurs et scientifiques ». Un cédérom accompagne d’ailleurs l’ouvrage et illustre par des images d’archives et des textes explicatifs (avec des enregistrements audios) un siècle de théorie du management, les principales écoles et doctrines, et les grandes questions qui se posent toujours.
Ces travaux de recherche rejoignent ceux d’Yves-Frédéric Livian, Bruno Jarosson, ou même Jacques Rojot professeur à Paris I qui avait lui même rédigé une Théorie des Organisations. A la différence de ces derniers dont le propos était l’organisation, Christian Thuderoz centre ses observations sur la façon dont les « penseurs du management » ont construit des réponses pour conduire les hommes sur les 100 dernières années. Cet ouvrage ambitieux est constitué en trois parties. La première partie se présente comme une grande introduction sous la forme d’un questionnement alors que la deuxième propose une sélection de textes majeurs et la troisième un ensemble d’études de cas et de leurs analyses. Tandis qu’une bibliographie thématique « raisonnée et commentée » conclut l’ensemble. La partie d’introduction démontre la longévité des questionnements, et dans le même temps la variété et l’historicité des réponses. Le détour terminologique sur les mots manager et management révèle une richesse de sens et d’implication. L’auteur met en évidence que le management est à la fois un langage, une technique et une prescription, et en tant que tel subit des configurations, des expérimentations et des hybridations multiples en fonction des besoins de chaque époque. La deuxième partie puise à des sources tant anglo-saxonnes que françaises voir même japonaises. Les documents sont organisés au service de trois démonstrations. La première est que le management est une industrie en large provenance de ses inspirateurs américains, des auteurs majeurs tels que Boltanski, Firedman, Taylor, Fayol, Sloan et Drucker sont mis en exergue. La deuxième est qu’il s’inscrit dans une double logique d’efficacité et de démocratie. Pour asseoir son propos Christian Thuderoz utilise les réflexions bien connues de Herzberg, McGregor, Argyris, Archier et Serieyx ou Blake et Mouton et d’autres points de vue moins connus et pourtant décisifs tels ceux de Masahiko Aoki ou Mary Parker Folett. La troisième intitulé « l’usine sociale » décrit les jeux de construction des rôles sociaux et des identités au travail, faisant la part belle aux contributions des sociologues Français. Il part pour cela des racines ouvrières de l’usine pour déboucher sur les sommets du leadership des dirigeants, dans une tradition pour le coup très Nord américaine. Enfin la troisième partie présente 7 études et analyses de cas, balayant les principales situations problèmes actuellement rencontrées. Ces études mettent en évidence, les stratégies et leurs rencontres avec les dynamiques sociales, organisationnelles, et humaines du moment. Il n’est pas inutile à rappeler au passage, tout l’intérêt de l’apprentissage par les cas selon la méthode de la Harvard Business School, développée dès la seconde guerre mondiale mais également leurs limites telles que l’a montré Mintzberg dans une récente critique des formations des managers suivant des enseignements en MBA. Pour conclure, on peut dire que cet ouvrage apporte un nombre de précisions forts utiles et s’appuie sur des auteurs qui ont menés des recherches sur le management et ne se sont pas seulement contenter de véhiculer des croyances mal assurées ou peu fondées. L’originalité de l’approche tient à la volonté de l’auteur de nous présenter et nous rendre accessible les principaux courants qui ont orienté la gestion des ressources humaines. Par l’approche des cas proposés et analysés, l’ouvrage conviendra tout aussi bien à des enseignants cherchant à éveiller la curiosité et la capacité de réflexion de leurs étudiants qu’à des praticiens heureux d’avoir des éléments précis sur des récits qui à force d’être racontés et parfois déformés finiraient presque par faire partie d’une certaine mythologie managériale.