Un commentateur récent prête au philosophe stoïcien Sénèque la rédaction de son traité sur la colère (De Ira) dans les années 41 après Jésus Christ. « Le signe le plus certain de la vraie grandeur c’est que nul événement ne puisse nous émouvoir » nous dit-il (Mille et une nuit 2008)[1]. Si le propos du philosophe est tout en contention, le regard moderne sur l’émotion est tout autre. Il s’agit de l’allier à la raison. En France le concept d’intelligence émotionnelle est souvent associé à Daniel Goleman (1997) docteur en psychologie qui l’a popularisé au milieu des années 90. Pour lui l’idée d’intelligence émotionnelle recouvre « la maîtrise de soi, l’ardeur et la persévérance, et la faculté de s’inciter soi-même à l’action ». Mais le véritable auteur et fondateur du concept est Peter Salovey doyen de l’université de Yale. C’est dans les années 80 que le psychologues et les chercheurs en sciences cognitives ont commencé à examiner en laboratoire la façon dont les émotions interagissaient avec la pensée et vice versa. Depuis le QI de Binet on a donc glissé de l’intelligence à l’intelligence émotionnelle et sociale. C’est Howard Gardner (1983) qui fait passer l’intelligence du seul champ cognitif vers des intelligences multiples. Dans cet ensemble, l’intelligence émotionnelle cherche alors sa définition entre capacité, combinaison de capacités mentales et de traits de personnalité, ensemble de compétences émotionnelles et sociales ou caractéristiques de la personnalité. Dés lors des outils de mesure sont construits pour appréhender intelligence ou quotient émotionnel. Si la perception des émotions évolue depuis la vision critique de l’antiquité, une grammaire émotionnelle s’élabore, distinguant le sentiment (la perception cognitive de l’émotion), de l’émotion elle-même, et des humeurs signaux avants coureurs du déclenchement émotionnel, ou des besoins. Les émotions se comprennent comme un mécanisme d’adaptation à l’environnement et de sélection d’un comportement. Pour Kotsou (2008) un épisode émotionnel se déploie sur 4 séquences : évaluation, modifications biologiques et expressives, tendance à l’action, association de pensées à l’émotion. A partir des travaux sur les expressions faciales, 6 émotions fondamentales sont proposées par Eckman et Friesen (1978) : la colère, la peur, le dégoût, la tristesse, la joie et la surprise. Mais le caractère universel de ces émotions est contesté car il est possible d’identifier des émotions secondaires, sociales ou complexes.
L’intégration de l’émotionnel et du rationnel serait la clé du management performant, pour Kotsou (2008). Les travaux de Damasio (1995) ont en effet clairement établi des liens entre facultés cognitives, émotions et prise de décision et montrent que l’absence d’émotions empêche d’être vraiment rationnel. Le management se déploie dans des compétences telles que les relations personnelles, la communication, le rapport à la diversité, à l’éthique, à l’interculturel, à la conduite d’équipes, et au changement. Les émotions sont présentes à divers degrés dans chacune de ces compétences. L’étude du cerveau permet d’en savoir plus sur les circuits neuronaux et montre notamment les connexions parallèles en miroir qui s’établissent lors des interactions entre un leader et un collaborateur. La neuro-anatomie des émotions est dispersée dans les fonctions vitales de l’organisme, système limbique et néo-cortex. De même le rôle des émotions dans la mémoire (épisodique, sémantique, procédurale) est souligné. Si la mémoire émotionnelle facilite un encodage et une remémoration, par des circuits longs ou courts, des pathologies liées aux émotions sont aussi identifiées comme la mémoire traumatique, l’apathie et l’inhibition, les émotions de seconde main ou parasites.
Partant de ces constats sur le fonctionnement des émotions, l’auteur nous présente son modèle basé sur 4 compétences émotionnelles de base dont il s’efforce de préciser le fonctionnement : identifier, exprimer, comprendre et réguler les émotions. Dés lors que le fonctionnement émotionnel est appréhendé, l’auteur nous propose d’apprendre à gérer nos propres émotions, en identifiant et accueillant nos émotions, en prenant soins de nos besoins et en portant attention à nos pensées et croyances, en particulier en remettant les plus nocives en question, ou revoyant nos attributions de causalité. Mieux gérer ses émotions dans les relations professionnelles fait l’objet d’un chapitre. Il y est préconisé de développer l’expression de soi y compris dans les situations inconfortables, en assumant ses émotions, en clarifiant ses besoins, en explicitant les conséquences, en proposant des alternatives et en proposant les solutions positives. Utiliser ses émotions positives à bon escient est un bénéfice essentiel pour un leader car les émotions agréables (joie, intérêt, contentement, fierté, amour) ont une influence positive sur les individus, mais également sur l’ambiance de travail et le fonctionnement organisationnel. Selon l’auteur ce type d’émotion améliore la performance, aide à construire des ressources.