Si les ressources humaines sont une histoire de foi ou de croyances, voici que Fabienne Autier, professeure chercheuse en Gestion des Ressources Humaines s’attache à en démonter les mécanismes par son anti-bible. Dans une veine qui pourrait s’apparenter au courant critique du management, courant qui ne cesse de s’amplifier depuis les scandales Enron, Metaleurop, Parmalat ou la crise financière actuelle, Fabienne Autier prend le contre pied systématique d’idées reçues et véhiculées par les courants de recherche majoritaires en gestion. La première question posée donne le ton. Peut-on gérer l’humain ? Suffit t-il de considérer les personnes comme des ressources pour déterminer leur place et leur mission ? Les dix thèmes qu’elle développe partent de faits. A l’encontre de tous les manuels existants elle passe au crible le recrutement. Pour le recrutement elle montre comment les délais trop longs, des processus sophistiqués mais superficiels, et enfin une non prise en compte du fait que le recrutement est un processus réciproque font que l’entreprise passe à côté de bonnes candidatures. L’entreprise peine à comprendre que si elle demande un niveau d’engagement plus fort à ses collaborateurs, ceux-ci, en particulier pour les plus jeunes ayant observés les promesses non tenues auprès de la génération précédente, font de même. L’entretien annuel est présenté comme la révolution des trente dernières années. Il est de plus en plus fréquemment imposé par les DRH, 85% des entreprises françaises de toutes les tailles le pratiqueraient. Mais l’observation montre qu’il serait vite fait, mal géré, sans suffisamment de liens avec les décisions de rémunération et de formation et pourrait du coup conduire à des crispations. La rémunération individuelle se développerait au détriment du collectif car le juste dosage entre l’individuel et le collectif se ferait difficilement. Dans des organisations de travail de plus en plus imbriquée la performance individuelle serait un mythe. Une individualisation à outrance produirait même des effets pervers, tels que des actions polarisées sur un seul objectif, des comportements déviants pour gagner des contrats, des comportements non-citoyen. Mais l’identification des critères pour mieux évaluer la performance se heurte à la part des nombreuses variables intervenants et la subjectivité du choix pour l’une d’entre elle de la part des managers. La question sur la formation comme gratification des egos interpelle la vision convenue de cet outil de développement des compétences. L’observation des pratiques réelles montre qu’entre logique de reconnaissance, de consommation et d’investissement, c’est souvent les deux premières qui l’emportent et que les pratiques d’évaluation sont toujours aussi faibles. Par ailleurs la formation continue à aller vers les plus formé ou ceux qui n’en ont pas besoin. La codécision introduite par le DIF étant encore balbutiante. Concernant la mobilité (verticale, horizontale, géographique) Fabienne Autier rappelle le modèle prévalant de mobilité ascendante. Mais si certaines entreprises incitent à la mobilité dans leur politique c’est de moins en moins pour des mobilités ascendantes puisque le nombre de niveau hiérarchique diminue. Par ailleurs la prise en compte des situations individuelles est encore très difficile. Les modèles de gestion et de régulation oscillent entre centralisation et laisser-faire laissant l’idée que la mobilité est peu gérée. Ce thème est étroitement lié à celui de la gestion des compétences régulièrement soutenue par les pouvoirs publics. L’auteur nous rappelle toute l’humilité à avoir face à une approche qui ne doit jamais oublier que les compétences misent en grille ne sont jamais équivalente aux personnes elles-mêmes. Le développement sur la prise de parole des salariés est une ouverture sur une nécessité des entreprises modernes d’écouter leurs salariés au risque de les démotiver, voire même de pousser à la rupture et à la grève. La gestion des départs est décrite du pire au meilleur. Elle va de l’institution d’un régime d’accélération du turn-over par l’instauration de conditions de précarité d’emploi ou comme variable d’ajustement d’une gestion responsable entre salarié et direction adulte dans une approche d’employabilité. La dernière thématique explore les différentes formes de la relation employeurs-salariés comme l’intérim, la sous-traitance, le travail indépendant, l’utilisation de mandats. L’ouvrage est à lire pour ses illustrations pratiques et sa volonté de regard critique sur ce que les entreprises font de pire ou de plus astucieux.