Ce livre est la valorisation d’articles publiés dans les cahiers spéciaux des échos. Bernard Ramanantsoa est à la manœuvre pour leur donner du sens et les mettre en perspective. Faut il encore présenter Bernard Ramanantsoa Directeur Général d’HEC Paris ? Faut il rappeler qu’il est aussi et encore professeur au département stratégie et politique d’entreprise d’HEC et président de la Community of european management school ? Si vous l’aviez oublié voilà qui est revenu en mémoire. Le titre proposé est déjà un postulat : le management est un art. Postulat qu’avait déjà énoncé Peter Drucker[1] pour qui le management va au-delà de la réalisation d’une performance et serait une fonction sociale. « On peut donc dire du management qu’il est ce qu’on appelle traditionnellement un art libéral » nous dit le vieux maître. Placé dans cette perspective artistique Bernard Ramanantsoa s’efforce de montrer avec ses co-rédacteurs essentiellement professeurs et étudiants d’HEC, de quoi est fait cet art et comment l’enseigner. Trois thématiques en vogue : le leadership, la performance et le développement durable sont mises en avant sous la forme de vignettes. Les études menées sur le leadership par HEC montrent que son apprentissage et son exercice ne sont pas de tout repos. Ainsi la fameuse vision du dirigeant est revisitée. Si celui-ci s’enthousiasme pour un objectif ambitieux, force est de constater que les collaborateurs poursuivent leurs propres visions. Diriger n’est pas alors forcer le sens que les autres donne à leur travail, mais plus modestement garder le cap. Une autre recherche menée par questionnaire et enquêtes auprès de 1068 dirigeants à des niveaux hiérarchiques N-2 à N-4 au sein de grandes entreprises révèlent que 52% d’entre eux s’estiment insuffisamment autonomes. Ce manque d’autonomie empêcherait tout développement du leadership. Cependant l’apprentissage au leadership est possible c’est avant tout la construction d’une relation à soi même, à l’autre et aux autres par un travail individuel, interpersonnel et sociétal. Par exemple le commandement militaire proposé à de jeunes étudiants pendant des périodes spéciales à Saint-Cyr Coëtquidan est une expérimentation de 4 qualités clés : compétence, esprit de décision, exemplarité et humanité/amour. D’autres observations montrent que les équipes de direction parviennent difficilement à coopérer. Les dirigeants restent focalisés par la relation hiérarchique au détriment d’un management participatif. Les études menées par HEC témoignent d’un plus grand besoin de renforcer la cohérence verticale que la cohérence latérale quand bien même cette situation peut provoquer à terme l’isolement du dirigeant. Si les auteurs montrent bien que les formations au leadership sont un plus pour l’émergence d’un dirigeant l’intuition et le caractère semblent encore bien difficile à susciter. Enfin la compréhension de la dimension identitaire de l’entreprise s’avère essentielle tant cette celle-ci a des implications profondes sur la performance de l’entreprise. La performance est justement la deuxième thématique développée. Les outils de mesure de la performance, tels que les KPI[2], ROE, EVA sont légions et témoignent de la financiarisation de l’univers du management, au risque d’un désintérêt pour les hommes. A tel point qu’à force de regarder le tableau de marques le dirigeant finisse par perdre la balle de vue et perde le match. Le rôle des analystes financiers, la mesure de la performance du marketing conduisent finalement à la mesure de la performance par une multiplicité d’acteurs dont les clients eux mêmes. L’évaluation de la performance de la recherche et développement reste classiquement soumise à la lecture du business plan. En ces temps de crise financière, on lira avec gourmandise les deux vignettes sur les LBO, hedge funds, private equity et sur le capital-investissement. Les pratiques à l’œuvre semblent considérées le management en place comme une contrainte et ont des impacts aléatoires sur la valeur réelle des entreprises. La performance de l’état et la mise en place d’une gestion par objectif grâce à la LOLF est également passée au tamis de l’analyse. les premiers résultats observés semblent confirmer une rigidification d’une bureaucratie managériale. Le troisième thème porte sur le développement durable. Comme nombre d’acteurs HEC s’empare du débat et fait des constats sur le changement climatique, les déficits en eau, les ruptures à opérer. Certains outils tels que les programmes de micro-assurances semblent opérant dans les pays en voie de développement. En ce qui concerne le carbone la prise de position est claire : c’est aux état de gérer la régulation. La dimension sociale des entreprises et du capitalisme est revalorisée. Sur le plan strictement financier, le bilan de l’utilité sociale peut révéler des opportunités comme des risques mais il ouvrira indéniablement des angles nouveaux. L’intervention dans l’ouvrage de Muhamamad Yunus fondateur de la Grameen bank démontre que l’entreprise sociale devrait faire partie intégrante du monde des affaires. La place de la chine dans le développement économique va imposer une révolution culturelle au mode de vie dispendieux de l’occident. La vignette sur l’utopie pédagogique ouvre une voie sur les contradictions du réel. La lecture de l’ouvrage se conclue par une dernière citation « la main invisible du marché » ne suffit plus pour assurer les équilibres, elle préfigure le retour des hommes face aux dérives des marchés. Malgré toutes ses qualités on regrettera que cet ouvrage se concentre sur les grandes entreprises et qu’une fois encore les managers de plus petites entreprises ne se sentent pas concernées par l’exemple et l’univers des grands groupes internationaux. Il est toujours utile de se souvenir que le CAC 40 ne représente qu’une exception sur les 2 500 000 entreprises qui composent le paysage entrepreneurial Français.