Les temps de crise seraient
propices, c’est selon, à se renfrogner ou à se tenir côte à côte. Ils seraient une opportunité de se rassembler, de se tenir chaud, comme au coin
nostalgique d’un âtre éternel. L’humain serait la solution de tous nos problèmes : capital humain, dimension humaine, ressources humaines. L’humain se
décline sous toutes les formes. L’humain ! L’humain ! L’humain ! Il saute de tous côtés comme jadis l’Europe ! L’Europe ! L’Europe ! Pour faire échos à l’image que
nous donnait De Gaulle agacé par une somme de discours creux sur l’Europe. Comme si l’évocation d’un talisman pouvait par sa seule expression panser nos plaies, apaiser nos maux. Mais de
quelle humanité parle-t-on ?
Lorsque l’on évoque l’humain sous forme de capital, de quelle accumulations parlons-nous ? S’agit-il d’un plus de compétences ? D’une addition de qualités humaines ? Et si oui, lesquelles ? Des capacités d’écoute ou d’empathie, des savoir-faire relationnels, un sens plus aigu de l’innovation ? Cela reste à préciser. Et si l’on poursuit l’idée de capital, quid de ceux qui en sont peu dotés ? Sont-ils exclus de toute humanité ? Sont-ils moins humains ?
Si l’on parle de dimension humaine, vise-t-on la hauteur? La largeur ? La profondeur ? Imagine-t-on une vision périscopique ? Une capacité à englober plus largement le monde et ses enjeux ? La profondeur nous conduirait elle à être plus philosophe, à adopter d’autres temporalités ? A développer un autre sens de la vie. Dans les actions professionnelles entreprises, il s’agirait d’un enjeu ambitieux. Rappeler et construire du sens voilà un beau challenge pour les managers actuels.
Quant aux ressources humaines, le terme est courant. Il s’impose même dans les discours de gestion du personnel. Les ressources humaines tellement encensées sont encore trop souvent, non la finalité mais la variable d’ajustement. Si l’on vous dits que vous êtes une ressource humaine, interrogez-vous, car les filons s’épuisent. Sinon comment est-il possible de se priver de ces ressources en les licenciant ? Derrière un terme séduisant de nombreuses pratiques se cachent dont certaines n’ont que peu à voir avec l’humanité dont elles se prévalent.
L’humain parait simultanément un moyen et un but. Le levier pour se hisser soi-même et faire grandir les organisations au niveau des enjeux du moment. En période crise, au risque de démonétiser les discours sur l’humain, l’usage du mot gagnerait à être plus circonspect.