Le professeur Manfred Ket de Vries produit des ouvrages sur le leadership depuis le début des années 80. Il est possible d’affirmer que son thème de prédilection est amené à se développer pour au moins les 20 ans à venir tellement les carences sont nombreuses en France. En effet il existe au moins 7 revues académiques en langue anglaise[1] traitant spécifiquement de leadership, mais en France il n’y a rien de comparable. A en croire la dernière étude du groupe CEGOS, les dirigeants français plus que tous autres en Europe persistent à penser que diriger est inné, et donc qu’il est inutile de se former. L’ambition de l’auteur s’inscrit dans le projet de donner à réfléchir aux dirigeants. Dans la face cachée du leadership, il s’agit d’offrir un portrait du leadership. Pour ce faire deux disciplines sont croisées la psychanalyse d’une part et l’économie d’autre part. C’est au croisement de ces deux approches qu’il nous emmène à envisager le leadership. L’intelligence émotionnelle est longuement développée, car la connaissance de son univers intérieur s’avère un incontournable dans la réussite d’une direction. Confronté aux changements, le leader de Ket de Vries ne succombe pas au syndrome de la moule qui l’immobilise. Dans la veine de la psychanalyse il met en garde les leaders contre le processus du transfert leur faisant revivre des situations initiales, des comportements stéréotypées, mais également contre le cynisme du monde ou la fuite du sens. Pour y faire face il nous invite à profiter d’une période d’hospitalisation et d’immobilité forcée pour prendre le temps de réfléchir sur le sens de nos actions ou de façon moins radicale de prendre régulièrement le temps de réfléchir à ses buts et de se régénérer émotionnellement. L’auteur est persuadé que les névroses des dirigeants ont des connections étroites avec celles des organisations. Il laisse entendre que transformer la culture névrotique d’une entreprise nécessite de prendre en compte la personnalité du dirigeant. L’auteur se risque à tracer le portrait du dirigeant efficace, il nous rappelle que le leadership peut être à la fois considéré comme une propriété et comme un processus. En tant que propriété le leadership est un ensemble de caractéristiques, un schéma comportemental et des attributs de la personnalité, en tant que processus le leadership peut se définir comme l’effort d’un leader fondé sur plusieurs bases de pouvoir pour influencer les membres d’un groupe. Il trace alors les composantes du leadership en fonction de la situation et des subordonnés et en déduit un ensemble de compétences personnelles, sociales et cognitives. Bien sur le leadership s’exerce dans le contexte de la mondialisation et les leaders doivent également détenir des aptitudes et expériences multi-culturelles. Ils sont amenés à endosser des rôles charismatiques et des rôles architecturaux, apprendre à exprimer une vision et à bâtir des organisations. La problématique du repérage des futurs dirigeants et de la succession des anciens (qui ne se pressent pas de partir) et du développement des futurs dirigeants est également développé. Il reste à l’auteur à nous proposer un néologisme pour appelé de ses vœux des entreprises authentizotiques association des mots grecs authenteekos (authentique) et zoteekos (essentiel à la vie). Les leaders devraient ainsi relever le défi d’être authentiques et pleins de sens pour entraîner l’action. Si l’ouvrage de Ket de Vries est une remarquable synthèse sur ce qui s’est écrit et pensé sur le leadership, malgré ses dénégations, l’auteur persiste à placer le leader en situation héroïque. Il néglige en cela les perspectives d’un leadership distribué ou les contextes et les situations dans lesquels évoluent les leaders les dépassent plus souvent qu’ils ne maîtrisent l’événement.
[1] adult education quaterly, journal of extension, journal of leadership and organizational studies, journal of leadership education, leadership, leadership and organizational development, leadership and review of research education