Les cahiers Français consacrent leur premier numéro de 2013 à décrire la société numérique.
Le dossier est particulièrement bien documenté. On apprend beaucoup plus de chose à sa lecture qu'en parcourant de nombreux ouvrages sur le sujet.é
Le premier article expose l'irrésistible ascension de l'internet. Il présente l'architecture du réseau et la croissance sans limite du traffic. Il montre comment d'une communication aisée entre quelques opérateurs est devenue un réseau international sous le contrôle d'agences américaines, en particulier l'ICANN qui gère les noms de domaines. Les modèles économiques sont mis en évidence et l'on comprend que ce qui parait d'un usage gratuit ne l'est en réalité pas. La compétition entre fournisseurs d'accès à internet, réseaux locaux et moteurs de recherche est mise en évidence avec le mouvement prévisible de concentration et de fragmentation. Le tout tend vers des modèles d'usages en mobilité.
Le deuxième article parle du droit de l'internet à l'épreuve de la mondialisation. Si internet n'est pas une zone de non-doit, ou de vide juridique, il reste à construire un droit supra-national. Cette émergence juridique opère sur la base du plus petit commun dénominateur et de la préservation de la souveraineté nationale. Les problématiques de filtrage sont au coeur des contentieux. Les instances de régulation internationale et de gouvernance se mettent en place pour traiter des cybers litiges, en particulier commerciaux.
Le troisième article traite de l'impact sur l'économie des technologies numériques. Il apparait que ces technologies contribuent à la croissance des PIB des grands pays industrialisés. Leur part dans cette croissance va du quart au tiers de la croissance du PIB. Mais l'impact de ces technologies se mesure aussi par les gains de productivité. En effet, les technologies numériques développent des biens informationnels peu onéreux pour les producteurs. Par ailleurs, alors que l'industrie classique est influencé par des économies d'échelle, le secteur de l'information évolue sous l'emprise des économies de réseau.Le développement d'internet produit des effets sur le bine être des conommateurs, l'emploi, l'environnement des entreprises, leur performance, l'éducation et la recherche et l'administration. Le e-commerce explose et se situe comme le grand gagnant.
Le quatrième article détaille le travail à l'heure du numérique. On apprend que 2 salariés sur 3 utilisent un ordinateur à titre professionnel (92% pour les cadres et 25% pour les ouvriers). Le travail numérique évolue vers un néo-taylorisme avec l'industrialisation des services. Mais plus fondamentalement le numérique accélére la production d'informations, leur vitesse de circulation, le développement de nouveaux savoir-faire et un savoir réflexif permanent. Force est également de constater les transformations incessantes de système d'information et le management de projet associé. Le numérique entraine de nouvelles façons de s'associer au travail en favorisant les liens entre des espaces distants. Le travail en devenant plus cérébral nécessite plus d'abstraction et de compétences sociocognitives pour communiquer, travailler en équipe, travailler à distance, synthétiser et structurer l'information. Mais si 85% des actifs possèdent un accés à internet chez eux,c'est le cas de seulement 54% d'entre eux au travail, ce qui accroit les écarts.
Le cinquième article dépeint le renouvellement des industries culturelles à l'ère numérique. Les enjeux sont ici autant techniques qu'économiques. Le droit d'auteur est remis en question par de nouveaux équilibres entre propriété et gratuité. Les sociétés géantes se taillent la part du lion dans ce changement d'équilibre. Les produits culturels se transforment en produits d'appel permettant de vendre des équipements onéreux (ordinateurs, tablettes, téléphone, abonnements).
Le sixième article décrit les communautés numériques. Les premières communautés numériques se sont développées autour des logiciels libres, ultérieurement réinterprété par la communauté de l'open-source. Cet idéal d'ouverture se perpétue dans les pratiques. Il s'organise aussi sous l'égide de la Free Software Foundation et l'invention de nouvelle forme de licence copy left ou creative commons. Les communautés revisitent les idées d'échanges fondées sur la notion de rareté et celles de partage fondée sur la notion d'abondance. Elles s'engagent dans l'idée de partage car la rareté aujourd'hui est l'attention. Ainsi l'économie de partage viserait à capter l'attention. La valeur de partage l'emporterait sur la valeur d'usage.
Le septième article raconte le lien entre l'administration et le mobile. Avec 32 millions d'utilisateurs de l'internet mobile en France fin 2012, l'enjeu est de taille. La recherche de nouveaux service aux citoyens utiles et ergonomiques fait l'objet de toutes les attentions. A voir les 7 millions de téléchargement du musée du Louvres, ou les services de géolocalisation ou d'organisation de covoiturage (Blablacar 2 millions de covoitureurs), des succès sont déjà engrangés. Des concours sont lancés pour stimuler l'imgination de nouveaux services.
Le huitième article évoque l'internet des objets qui produirait des mutations économiques, sociales et politiques. Le nombre moyen d'objet connectés par habitant devrait passer de 2 à 7 d'ici à 2015. Soit 25 milliards de dispositifs avec une connexion sans fil. Tous les types d'objets seraient concernés : des capteurs pour la m-santé, des thermostat pour la domotique, , des capteurs autonomes peuvent désormais être diposés dans l'environnement grace aux puces RFID. L'internet des objets pose des problèmes éthique et un droit d'être informés de la part des utilisateurs.
Le neuvième article montre l'entrelacement des liens forts et des liens faibles sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux s'organisent soit autour des amis déjà connus soit autour des centres d'intéret. Dans le même temps les réseaux sociaux tranforme le web en espace familier où il est possible de croiser des personnes familiéres et également contribue à la mise en scène de soi. Loin de se substituer aux liens forts, les liens faibles seraient développés dans les réseaux sociaux. Les réseaux offriraient des espaces hybrides de rencontre ouvrant de nouvelles perspectives. Il mélangeraient aussi espace public traditionnel et conversation réservée.
Le dixième article évoque l'écrit à l'ère numérique. Il part du contexte que le même texte n'est plus le même lorsque changent le support de son
inscription, donc également les manières de le lireet le sens que lui accordent ses nouveaux lecteurs. En fait le monde numérique apparait comme un monde de fragments et de bribes d'informations
décontextualisées et juxtaposées indéfiniment recomposables. Le risque pointé est celui de sortir des éléments de leurx contextes et de perdre du sens.
Le sommaire de ce numéro est particulièrement riche et les chercheurs et experts qui y ont travaillé avancent des éléments factuels et des analyses les plus poussées. La lecture du dossier est hautement recommandable à celui qui souhaite avoir les dernières informations sur le sujet.