Jean Pierre Bouchez est un travailleur du savoir. C'est aussi un consultant un chercheur et un spécialiste de la société de la connaissance et de ses acteurs. Après plusieurs ouvrages sur le management invisible et le management des travailleurs du savoir, il produit aujourd'hui un ouvrage sur le conseil en management.
Son ouvrage posséde une part descriptive qui nous présente les principales caractéristiques les formes et typologies du conseil en management. Il montre aussi la dimension commerciale d'un marché qui s'ancre dans des promesses virtuelles co-construites avec les clients. Il essaye d'expliquer les motifs de développement de ce marché et de ses pratiques, mais également le positionnement stratégique des principaux acteurs. Le secteur du conseil est révélé dans toutes ses mutations.
Le premier chapitre montre la place du commerce des idées managériales et la façon dont ces idées "s'industrialisent". L'auteur montre que les modèles managériaux émergent de certaines grandes entreprises, du monde académique et universitaire, de gourous "héros du management" plus généralement américains, d'une littérature managériale abondante et des grands médias économiques. Cette combinaison d'idées serait la source d'une créativité et d'innovation dans le domaine, mais aussi d'une propagation d'idées en vogue. C'est ainsi que les idées de l'organisation scientifique du travail, toutes sortes de matrices et de concepts traitant de qualité ou de reengineering se répandent. A côté de ses macro-innovations des micros-innovations se développent parfois dans des cabinets de plus petites tailles. Dans le même temps que les idées s'épanchent les prix se positionnent, le marché se structure et se régule.
Le deuxième chapitre décrit les environnements du conseil en management. Le terme flou de consultant est spécifié au milieu des fonctions de coachs, conseiller occulte, prestataire de service, expert. Ce qui le caractèrise est avant tout un accompagnement de dirigeant, une capacité de discernement, une activité intellectuelle, une expertise technique et méthodologique visant à créer de la valeur. Le périmètre du conseil est abordé dans les grandes lignes car les aspects quantitatifs et qualitatifs restent hors de portée au regard de l'hétérogénéité des pratiques. Les tendances lourdes qui traversent le conseil et organisent la croissance du secteur sont spécifiés. C'est la croissance de l'activité qui prédomine certainement parce que l'auteur observe une montée de l'incertitude, et de la complexité dans les organisations. Le rapprochement entre conseil en management et en informatique semble se prononcer. Une professionnalisation continue est relevée, certainement parce que les critiques à l'égard du conseil sont aussi vives que son développement. Les codes de déontologie, les labels et nouveaux masters et certifications professionnelles sont censés rassurer les clients. Les sous-secteurs qui composent le consulting sont : la stratégie, le marché de la réputation, les technologies et systèmes d'information, les spécialistes en gestion des ressources humaines ou les généralistes. Ces entreprises se regroupent et parfois des monstres s'internationalisent (Accenture 200 000 collaborateurs). A côté subsistent des cabinets de niche et des consultants idépendants.
Le troisième chapitre évoque le commerce du conseil et la façon dont les prestations intellectuelles sont achetées et vendues. L'acte d'achat conduit à identifier la capacité d'expression d'une situation au moyen d'un cahier des charges. Les éléments concernant les étapes d'un processus de sélection sont passés en revu de même que la fixation d'un prix. La démarche concomitante de vente de prestation est aussi décrite. Elle spécifie les caractéristiques d'une prestation par nature immatérielle, dans laquelle "le lien importe plus que le bien". Enfin l'auteur propose un tableau de bord commercial du cabinet.
Le quatrième chapitre dévoile le pilotage d'une intervention et la relation entre le client et le consultant. Il essaye d'indiquer ce que recouvre la notion de création de valeur pour le client. Les modes d'interaction mode expert, mode process/produit, mode donneur d'ordre et mode projet sont évoqués. De même les étapes de l'intervention son remémorées : prise de contact, formalisation, collecte d'informations, diagnostic partagé, recommandations, mise en oeuvre du plan d'action clôture et évaluation.
Le cinquième chapitre traite du positionnement stratégique et du pilotage opérationnel d'une firme de conseil et de ses consultants. Les tenants du positionnement stratégique lié à l'analyse sectorielle ou au ressources des cabinets sont précisés. La cohérence des formes organisationnelles et le management opérationnel d'une poppulation de travailleurs du savoir sont décrits et en particulier la logique "up or out".
Si le lecteur apprend beaucoup de chose avec une description très riche, on regrettera toutefois l'absence d'une critique un peu plus affirmée d'un secteur d'activité ou au moins un débat sur les effets des idées véhiculées au sein des organisations et de la société. Les scandales facilités par le monde du conseil en management sont cités, mais les conséquences peu tirées. Business as usual. Au delà d'un effet "doudou" bien rassurant pour un dirigeant, la preuve de l'efficacité du conseil en management reste à faire.
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