Le récit qui nous est fait est celui d’une croissance continue. Le récit mêle l’intime et le professionnel. Les 2 facettes se nourrissent mutuellement. La première séquence est celle d’une conquête de l’indépendance. La rupture avec le milieu familial les astreintes et la dépendance aux tâches de la ferme, Progressivement l’entrée dans la vie pose des questions sur l’autonomie et l’engagement dont la narratrice fait 2 points clés ; « déjà apprendre à se manager soi-même ». Une fois l’indépendance acquise et validée par des choix couronnés de succès et des nécessités économiques (« j’ai pu renflouer mes caisses »), en particulier dans l’interruption puis la reprise d’études jusqu’au DESS, le récit se poursuit. La dynamique de l’indépendance s’affirme dans le premier stage qui nécessite des prises d’initiatives. Initiatives couronnées de succès et qui permettent de prendre une responsabilité sur une équipe. Puis le modèle du haut niveau d’engagement personnel se heurte aux autres. Leurs histoires, leurs envies ne se configurent pas en synergie. La narratrice fait l’expérience de ses manques et découvre que ce qu’elle considérait comme un trésor : son éducation, la met en défaut dans les relations collectives. C’est la découverte de l’altérité. L’apprentissage s’enclenche « j’ai appris aussi par quelques baffes c'est-à-dire que je me suis retrouvé dans des situations avec des gens qui n’avaient pas forcément envie de travailler avec moi ». Un parallèle est établi avec le fait « de passer mère ». Un rapprochement entre fonction managériale et fonction de mère ouvre à plus de réflexivité sur la relation avec autrui et la part jouée par soi dans ces interactions. Cette étape est un succès et ouvre à l’interdépendance. Le récit s’enchaîne toujours harmonieusement par une autre étape clé : « le moment ou vous passez manager de manager ». Celui est marqué par l’apprentissage de la délégation. La vision se fait plus large, et l’attention aux relations prédomine. Les échanges sont perçus tant au niveau des personnes que de l’équipe ou de son environnement. Le feed-back, les angles de vues, les retours de l’environnement peuplent cette partie du récit. Face à cette complexité perçue, les propres managers de la narratrice apportent une « confiance a priori », complètent les capacités d’analyse. L’observation, l’attention sont 2 points clés de l’apprentissage. Au fur et à mesure du récit la différence est recherchée comme moyen de progresser et d’être exposé à des situations, des équipes, des comportements, des manières de faire. L’équipe « peut faire grandir le manager » et n’est plus perçue comme une menace mais comme une opportunité, une richesse. Le passage d’une équipe à une autre est dés lors interprétée comme un moments de croissance. Il est désiré et non plus redouté. Une équipe technicienne n’est plus crainte car le positionnement ne se fait plus par une maîtrise des compétences, mais par des apports méthodologiques. La dimension managériale s’est étoffée d’un rôle de conseil non exclusivement technique et se centre sur la construction de décision à plusieurs en interdépendance. L’accent est alors posé sur le sens qui agrège « activité », « stratégie de l’entreprise » et « cohérence avec le monde extérieur ». Le sens d’une identité de manager s’exprime comme « une sorte d’équilibre qui est à trouver ». Il s’agit en permanence de diagnostiquer le système technique et humain de repérer les déséquilibres et d’y remédier en fonction des finalités de l’entreprise. La représentation d’un système en homéostasie invite à s’intéresser à tous les contacts et interactions humaines. L’identité de manager résulte dés lors d’une compréhension fine des équilibres, essentiellement humains qui fait dire à la narratrice « je pense que demain je pourrai avoir une autre activité. Je pourrai être manager dans un autre domaine d’activité, ça ne me fait pas peut. Aujourd’hui ça ne me fait pas peur ». L’essentiel semble être d’être capable de tout remettre en cause, à commencer par soi, sa façon de faire, sa façon d’être « si vous êtes clair sur votre cible ».