Le récit recueilli est caractéristique. Il pourrait être celui d’un athlète de l’entreprise. Tous les motifs contribuent et s’assemblent pour brosser le profil d’un parcours héroïque. Trois temps s’enchaînent.
Tout d’abord la révélation précoce. Celle-ci est racontée comme une prédestination, ou des rencontres avec des grands patrons exacerbent le désir, la conviction d’être différent. Les qualités innées sont validées par des études et une progression rapide dans des responsabilités managériales. La part de soi dans le succès est fortement développée. Les qualités de courage, d’enthousiasme, d’endurance, de justesse des choix, renforcent l’idée qu’être manager repose sur une part d’innée qu’il convient sans cesse d’étayer. « Je n’ai cessé de vouloir briguer et renforcer mon métier [de manager], de vouloir me renforcer dans toutes les missions qu’on me confiait dans l’entreprise ». Dés lors la prise de responsabilités managériales s’avèrent naturelle, voir même évidente. C’est quasiment un acte de religion que d’embrasser un « sacerdoce ».
Le deuxième acte se joue dans une centration sur l’efficacité de l’entreprise « je me suis forgé cette conviction que la qualité du management dépendait de la réussite de l’entreprise de manière générale ». Le rôle des patrons se pose alors en modèle. Il s’agit d’acquérir leur confiance d’aller au devant de leurs attentes, d’observer attentivement comment les supérieurs hiérarchiques tirent le meilleur de leurs équipes. Les maîtres mots choisis empruntent à la compétition sportive : le don, le talent, le défi, la conviction, la performance, le challenge, les résultats.
L’investissement sur soi est un élément clé de la fabrication. Il passe par de nombreux registres. Une centration sur soi et ses qualités de courage, de créativité, d’enthousiasme, de donner envie. Un investissement dans des activités physiques (l’athlétisme), d’où des valeurs de compétition sont extraites. L’environnement, les épreuves extérieures sont minorés au profit d’une exaltation de la volonté qui s’impose quoiqu’il se produise. « Faire ce que l’on dit et dire ce qu’on va faire ». C’est de soi qu’émane une énergie propre à emmener les autres. « J’ai cette espèce d’énergie qui fait que les gens y croient parce que j’y crois ». Le ressort de la fabrication est présenté comme un puissant feu intérieur qui se veut emporter tout sur son passage. L’échange d’énergie celle du don qui part du meilleur de soi d’une part est transcendée par l’envie de faire réussir les autres. Pour que ce feu ne brûle pas tout sur son passage le narrateur cherche à se tempérer par des qualités d’altruisme, d’écoute, et d’ambition pour les autres. Il présente alors un travail sur soi : être modeste, avoir zéro-arrogance, développer un savoir-faire important sur le métier, s’intéresser au métier qu’on ne connaît pas.