La pratique des récits individuels, en groupe ou plus largement partagés au sein d’organisations produit des effets d’apprentissage.
Les effets d’apprentissage des récits
Les récits individuels contribuent à valider des compétences individuelles (VAE), à consolider l’identité des individus, à prendre conscience de ses ressources, projets, désirs et capacités d’agir. L’exercice du récit individuel favorise les compétences de régulation des apprentissages par un effet de décantation des projets. L’autodétermination des buts est une compétence clé.
Les récits en groupe favorisent la construction collective du sens et de la compréhension du changement. Les récits en groupe permettent de passer d’une logique dialectique dans laquelle s’opposent des arguments à une dialogique qui maille la parole de chacun. Par l’effet d’écoute et d’accusé de réception de la parole de l’autre, les récits en groupe atténuent les effets les plus confrontant de la dissonance cognitive et favorise un rapprochement des points de vus.
Les récits au sein des organisations peuvent consacrer une véritable fabrique narrative qui permet d’établir une nouvelle culture organisationnelle. La déconstruction de récits dominants en récits intersubjectifs autorise chacun à se prévaloir de sa place dans un ensemble englobant. Chacun se sent partie de l’histoire à la mesure de son pouvoir de peser sur la narration et ce de son propre point de vu.
Ces 3 types de récits produisent des effets de clarification et de compréhension grâce au repérage des motifs et détails signifiants qui s’égrènent.
Les risques narratifs
Mais, les récits peuvent aussi achopper sur trois risques. Les récits individuels peuvent conduire à la création d’un mythe personnel autocentré oubliant les autres. Ainsi, les récits peuvent conduire à la mie en scène de soi, à un renforcement narcissique. Le risque est ici d’exacerber un individualisme déjà développé. Ce risque peut aussi être contré par la méthode des autobiographies raisonnées ou tour à tour les membres d’un binôme se racontent l’un à l’autre.
Les récits en groupe peuvent soit se transformer en groupe d’échange de pratiques visant la maitrise des contextes et des savoir pratiques utiles pour envisager l’action. Sous la forme de récit apprenant, ils peuvent aussi offrir un espace relationnel pour tirer le meilleur d’un témoignage sur un projet, le déroulement d’une action. Enfin sous la forme d’un groupe de parole les récits de groupes permettent d’évacuer une part des tensions individuelles par évocation des difficultés vécues. La parole habilitée reconnait la réalité qu’elle décrit. Si cette parole libérée ne résout pas le problème, du moins elle le nomme, le précise lui donne le statut d’un objet sur lequel travailler. Le risque de cette parole en groupe est celui de l’exacerbation de polémique, de diluer la portée des prises de parole ou aboutir à un consensus mou ou d’échanges peu finalisés.
Le risque de récits au niveau organisationnel est de laisser se construire un storytelling manipulateur instaurant le discours dominant comme seule réalité. Ce type de récit au gout de langue de bois peut produire une forme de conformisme et anesthésié tout le corps social.
Conclusion
Si les récits individuels, de groupe, ceux qui naissent et circulent dans les organisations à partir de la machine à café ou dans le bureau du DG ne sont pas une panacée, ils gardent une force symbolique de mobilisation des hommes. On se souvient ainsi des 6 composantes de tout récit découvert par Propp et Greimas dans l’analyse structurale des récits : le héros, le méchant, les adjuvants ou personnage secondaire, le début de la quête, les péripéties et la fin de la quête. Chaque récit épouse les contours d’un conte. Il n’y a rien de plus fort qu’un bonne histoire pour se remémorer des histoires essentielles, se tenir chauds les uns les autres, partager des émotions et des savoirs et in fine apprendre.