Après avoir exercé une activité dans les RH dans une grande entreprise
industrielle, Christian Morel fait œuvre de sociologue. Son objet traite des
décisions absurdes. Il récidive après un premier ouvrage du même nom paru il
y a déjà 10 ans. A croire que son premier opus n’a pas suffit à réduire le flot
incessant et malheureusement meurtrier de mauvaises décisions.
L’auteur s’efforce de comprendre les mécanismes qui produisent des catastrophes. Les mondes aéronautiques, celui de la marine, de l’industrie nucléaire, des blocs opératoires ou encore des randonnées de hautes montagnes sont explorés sous l’angle des interactions humaines. En effet, le résultat de l’enquête met en évidence l’importance du facteur humain dans la survenance d’accidents dramatiques comme par exemple la décision de faire partir la navette challenger, quant bien même de nombreux indices auraient du dissuader de le faire.
L’auteur précise que la pensée rationnelle exclusive peut conduire à des erreurs. Il distingue rationalité substantielle (approche scientifique exclusive) et rationalité procédurale. Il montre que si la première peut amener à des « effets de destinationite »[1]conduisant à aller au bout de la mauvaise décision, la seconde est une réponse donnant la manière de faire sans prétendre anticiper tous les aléas. Une troisième approche est également développée. Celle-ci est en vigueur dans les doctrines militaires qui stipulent du large degré d’initiative des soldats engagés, à partir du moment où l’intention, le dessein stratégique est bien intégré. Chaque unité se coordonne alors en fonction des réalités changeantes du terrain et moins en fonction d’ordre centralisés et déconnectés. Nombre d’erreurs sont évitées quand le leader exclusif est remplacé par une hiérarchie restreinte impliquée, la compétence prend l’ascendant sur l’autorité formelle en situation de crise. Les effets de groupes sur la prise de décision sont dénoncés. L’auteur relève les effets de polarisation, la pression de conformité sociale, le biais de confirmation, le groupthink, les effets de communication silencieuse, l’illusion d’unanimité, la pression hiérarchique, l’effet de nombre et celui des routines bureaucratiques.
L’auteur propose d’autres modes de prise de décisions, comme la décision prise à l’unanimité. Il donne à cet égard l’exemple de la troupe de comédiens du Splendid qui écrivaient ses textes selon ce principe. Il propose plusieurs métarègles de la fiabilité comme la mise en place d’une politique de non-punition des erreurs (et non pas des fautes) pour faciliter la remontée d’information, les processus d’avocat du diable, ou l’interaction généralisée. La formation aux facteurs humains a déjà produit d’extraordinaire résultat, de même que l’utilisation de protocoles renforcés de communication ou l’utilisation de check-lists. Cet ouvrage est plus que salutaire car il affirme que l’on apprend des erreurs et des plus compétents que soi mais il gratouillera les experts qui ont du mal à travailler en équipe ou les hiérarques centralisateurs qui décident seuls.