La revue Connexions présente des numéros depuis au moins 1972. Elle est semestrielle et publiée par l’ARIP,[1] le rédacteur en chef en est Jean Claude Rouchy, psychanalyste, analyste didacticien de groupe, mais également président de la Fédération des associations de psychothérapie psychanalytique de groupe. Si la revue s’intéresse plus particulièrement à la psychosociologie, à la psychanalyse ou aux sciences humaines, elle ne dédaigne pas de traiter des thèmes tels que le management des ressources humaines. Le numéro 91 est consacré au « Management et contrôle social », 2 grandes parties le constituent. La première avec 6 articles développe les approches et problématiques du contrôle social. Dans « quand le management ruine le politique », l’auteur montre la confusion entre sphère économique engagée dans une guerre concurrentielle et sphère politique. Ainsi, dans le même temps que l’entreprise deviendrait citoyenne, l’état trouverait la source de sa légitimité non pas dans sa mission historique de représentations de principes mais dans sa capacité à nourrir le marché et à assurer le progrès économique. L’article sur les structures de gouvernement managérial montre comment, dans les organisations contemporaines postbureaucratiques, le management par projet le management par les compétences sont devenus respectivement une figure managériale de la contrainte et le vecteur d’une normativité floue. Face à la faiblesse de critères objectifs ces 2 modalités favorisent, in fine, le développement d’un management par la réputation. L’article suivant analyse l’évolution sémantique du gouvernement (vertical) vers la gouvernance (horizontale), si derrière le changement de termes se dessine une promesse d’approfondissement de la démocratie, il s’agirait en fait d’une nouvelle forme de contrôle social. L’article sur le management des ressources humaines dans un contexte incertain montre d’une part l’intensification du travail et d’autre part les conséquences de l’autonomie, de la polyvalence de la qualité qui loin d’avoir libérées les salariés, font peser sur leurs épaules plus d’incertitudes. L’article sur le management comme discours de l’emprise dénonce la perversion du langage, la performativité de la « novlangue », l’emprise du discours et le contrôle des esprits par un effet de fascination ou de promesse de toute puissance. Le dernier article explicite comment des situations empêchées pour cause de contraintes ou de pression temporelle du travail conduisent au blocage de la capacité de négociation avec soi-même, empêchent un développement, inhibent la pensée et les affects et contraignent à devenir prisonnier de son milieu. La seconde partie situe le management dans les différents types d’organisations. Les collectivités territoriales mises à l‘épreuve de la rationalisation organisationnelle, par la technicisation et la désubjectivisation obligent à réinventer des modes coopérations entre élus et professionnels. La conception managériale du soin se déplie dans les mondes physiques, psychiques et sociaux, indépendamment de l’objet spécifique du soin. Seule compte la productivité sociale qui finit par sonner comme une idéologie. Les associations elles non plus n’échappent pas aux idéologies gestionnaires, mais il semble que pour certaines une créativité dans les modes de régulations soit possible. Pareillement les secteurs sociaux et médico-sociaux subiraient l’épreuve de leurs déshumanisations, les rapports valorisant plus les choses que les hommes. Deux articles montrent enfin, pour le premier, la difficulté des interventions des psychosociologues auprès des organisations « hypermodernes » compte tenu des risques d’éthique (instrumentalisation) et de posture (l’expert qui prescrit) et pour le second l’évolution du paternalisme local du XIX éme siècle vers une responsabilité institutionnalisée, sociale et éthique d’entreprises mondialisées. Si la revue s’avère stimulante par les idées développées, et les remises en question proposées, il est néanmoins possible de constater que la problématique de départ repose plus sur les conjectures des différents auteurs que sur un matériau issu du terrain. Ce regret est vite levé par la deuxième partie ancrée dans des rapports sociaux et des contextes variés et documentés. Si cette lecture critique dévoile les modalités actuelles de la domination managériale et de ses dérives, elle peine à proposer une alternative. Il semble en outre qu’une forme de consensus se mette en place et que les salariés s’accommodent de la liberté auto-régulée dénoncée.