Voici un ouvrage singulier et foisonnant proposé par deux spécialistes de l’intervention en entreprise. Les interventions dont il est ici question parlent de changement et se nourrissent de pratiques issues du secteur social. La pensée ici développée fait une large place à l’expérimentation dans la l’action issue de diverses formes d’interventions collectives comme la recherche action, ou l’approche orientante (développée au Québec). Les appuis théoriques se basent sur quatre piliers fondateurs des pratiques professionnelles : être responsable, s’autoriser à agir, reconsidérer la mobilité, faire des choix. La finalité de la démarche vise à retrouver le sens de l’engagement professionnel. Trois parties composent l’ouvrage et articulent la pensée des auteures. La première partie montre que les individus sont dotés de bien plus de ressources qu’ils n’imaginent pour agir. Ils disposent tout d’abord de capital à savoir l’exercice de la responsabilité au fondement de la liberté, notamment la responsabilité de leur savoir devenir. « S’autoriser à » s’inscrit dans un renouvellement du sens de l’autorité et des liens entre l’individuel et le collectif. Il s’agit là d’un consentement au lien social dans un désir d’être soi. Reconsidérer « la mobilité » est une invitation à communiquer et agir dans des réseaux sociaux. C’est un renversement de processus. Il s’agit de hiérarchiser les choix et non plus les personnes. « Savoir choisir » conduit à accepter de se projeter et à fonder des hypothèses. Pour les auteures cela passe par une démarche d’orientation, et d’implication qui développerait une capacité d’agir. L’importance des postures de veille est soulignée comme moyen de passer de l’action par mimétisme ou devoir d’obéissance à la construction de l’envie d’agir. Cette mise en action passe encore par le droit à l’essai pour entreprendre et le développement de nouvelles compétences entrepreneuriales. La deuxième partie s’intitule l’ancrage de soi. Elle présente de nombreux exercices et guide une réflexion personnelle sur le changement. Les auteures expriment l’idée que l’ancrage de soi est un atout à cultiver pour asseoir son positionnement. L’auto-évaluation face aux changements professionnels s’avère un moyen d’instaurer des pratiques de changement qui satisfasse aux exigences de globalité et de cohérence vis à vis des enjeux et des ressources. Ainsi la compréhension des effets émotionnels du changement sur soi et les autres, la connaissance de ses réactions, de ses émotions participent à un positionnement volontaire et non pas subi au changement. Le choix des postures mobilisables passe aussi par une reconnaissance par soi de ces dernières. La connaissance de soi en situation contribue à la découverte des postures gagnantes et les marges de liberté que celles-ci autorisent. La troisième partie explore les conduites du changement dans l’interdépendance des logiques et des modes opératoires, les démarches d’évaluation et de régulation, la coconstruction, la coresponsabilité, le rôle du management et celui de la codécision sont spécifiés. Enfin les démarches d’orientations collectives expérimentées au Québec et ses conditions de transpositions en France sont présentées. La démarche projet proposée apporte le complément technique nécessaire à la mise en place du processus. Cet ouvrage tant sur le fonds que sur la forme est éminemment moderne. Au lieu d’esquiver la complexité, il propose des grilles de lectures multiples composant des enjeux imbriqués institutionnels, sociaux et personnels. Il véhicule et souligne dans chaque partie les questions qui se posent et placent toujours au cœur l’individu comme le nœud actuel des situations de changement. Le style mêle analyse, exercices pratiques, synthèses et s’appuie le cas échéant sur de la poésie qui facilite l’accès au sens. En somme un ouvrage sous la forme d’un curieux mélange duquel ressort une sensation de nouveauté.