« Le Boterf nouveau est arrivé !» diront les spécialistes, c’est en effet pas moins de 34 ouvrages et chapitres d’ouvrages que Guy Le Boterf, praticien, chercheur et consultant a produit depuis 1970. A la régularité d’une parution par an (ou presque) Guy Le Boterf se passionne toujours dans l’exploration de ce qui fait compétence. Lorsque l’on étudie la bibliographie impressionnante de l’auteur un tournant semble s’être opéré en 1997[1] date à compter de laquelle il exploite systématiquement la métaphore de la navigation et la transpose au monde de l’entreprise. Il compose alors une méthode de navigation professionnelle. C’est par l’image de cap, de cartes, d’instruments de pilotage, de routes, de point et d’outil de positionnement qu’il structure sa vision de l’ingénierie des compétences. Guy Le Boterf note qu’un changement de vocabulaire s’opère. Ainsi le terme de professionnalisation commence à se développer à partir des années 80, celui d’apprenant (merci à nos amis québecquois auquel le mot est emprunté) venant réveiller le formé plus passif. Une préoccupation sociale se dessine sur une autre façon d’envisager l’activité professionnelle. L’exigence croissante de confiance, la montée de l’inédit, l’exigence d’employabilité, les limites des discours sur les compétences, la fragilité des tissus professionnels tout concourt à penser différemment l’émergence des professionnels. Ce qu’apporte de plus cette réflexion sur la professionnalisation c’est de penser intimement le professionnel et ses compétences sans se fourvoyer en réifiant d’un côté un référentiel de compétence d’une part et en posant un homme et ses qualités d’autre part. Le professionnel aujourd’hui apparaît avant tout comme capable d’aller au-delà du prescrit, d’improviser, de faire preuve d’intelligence pratique, d’avoir du discernement ; En somme de se distinguer par son intelligence des situations. Cette intelligence dépasse la seule maîtrise de savoir ou savoir-faire. Pour l’auteur le professionnalisme se construit au carrefour de trois champs que sont le sujet (l’histoire de sa socialisation), les situations et contextes professionnels, la formation professionnelle (professionnalisme). Le professionnel utilise tout son vécu pour se construire. Il ne se contente pas d’appliquer. Il combine, il enchaîne, il improvise. Le professionnel dépeint par Le Boterf n’est pas seulement un technicien dans lequel est enfermé un savoir, c’est surtout une personne maillée dans un réseau capable d’ouverture vers les autres pour trouver des solutions lui échappant. Il est en outre capable d’agir avec éthique. Le professionnalisme n’est pas un état stable, l’auteur distingue le débutant, le professionnel confirmé et l’expert. Ce constat induit la nécessité de développer une ingénierie de la professionnalisation dont l’auteur propose 10 principes tels que : préparer à agir avec compétence, penser les dispositifs en cible de professionnalisation, concevoir des dispositifs pour l’intérêt conjoint des employeurs et des salariés, favoriser la personnalisation, proposer une offre modulaire d’opportunités variées, mettre en œuvre une alternance de situations de travail, considérer le salarié comme apprenant, reconnaître les progrès, accompagner et assurer une coopération entre les acteurs de la professionnalisation. A la lecture de cet ouvrage certains se réjouiront du vin nouveau, d’autres attendront avec impatience le prochain épisode. Quoiqu’il en soit, ils trouveront intérêt aux exemples qui viennent étayer des outils concrets et une réflexion actualisée sur la professionnalisation en cours.