Il apparaît utile de situer
le vidéolangage© par rapport à un précédant utilisant des images fixes : le Photolangage©[1]. En
effet, le langage symbolique des photos était utilisé dès les années 50[2]. L’époque était emprunte de pédagogie
non-directive. La psychanalyse était une référence fréquente dans la formation des formateurs et l’animation des groupes.
Le photo-langage méthode depuis déposée, devait permettre à chacun de réaliser des associations libres. En France, les premiers utilisateurs de la méthode auraient été des psychologues Lyonnais cherchant à faire s’exprimer des adolescents. Il s’agit par cette méthode de créer des liens entre affects et sentiments par une activité de symbolisation. Les effets relevés témoignent d’un engagement psychique et émotionnel[3].
Ainsi, des images d’hommes, de femmes, des scènes de la vie courante rassemblées dans des dossiers thématiques sont données à choisir aux participants. Après des consignes structurées par l’animateur le groupe construit une discussion sur des thèmes de relations humaines, de créativité, ou des problèmes concrets à résoudre. Parfois un mur d’image est bâti. Parfois, ce qui était collé au mur a fait l’objet de découpage de collage, de montage, de création d’une bande dessinée ouvrant la voie à plus de créativité encore. Parfois les photos des dossiers d’origine sont épuisées et les formateurs ont crée leur propre référentiel d’image avec des photos d’art, ou des photos de magazines. Quand les photos publicitaires ou de mode deviennent le support des interactions avec le monde s’ensuivent. Des connexions avec les tendances et les normes s’opèrent.
Si le photolangage© est un ancêtre du vidéolangage©. Ce dernier possède d’autres ressorts que nous allons explorer. Le vidéolangage© est une nouvelle méthode d’animation pédagogique. Elle consiste en une utilisation structurée du média vidéo. Le média audio-visuel est entré dans les salles de cours avec l’invention des premières caméras (voir les analyses du sociologue Dumazedier sur la civilisation des loisirs ou l’animation des cercles culturels du mouvement Peuples et Cultures). Il s’agissait alors de commenter des œuvres projetées ou de travailler sur les attitudes et comportements en filmant des participants en interaction et en faisant des retours sur les images captées[4].
Mais, les usages de la vidéo ne cessent de grandir. Que se passe t-il ? Avec la popularisation des caméras intégrées dans les téléphones portables (14 millions de Smartphone rien qu’en France en 2011), les tablettes, les appareils photos numériques, l’image s’anime de plus en plus facilement, se capte et se monte avec aisance[5]. Dans le même temps la révolution internet a rendu accessible une quantité phénoménale de ressources numériques[6] dont nombre d’entre elles sont des images et des vidéos issues de la publicité, du cinéma, d’acteurs éducatifs de professionnels ou de particuliers[7]. Des passions amateurs se mettent en place.[8]
La télévision était une « fenêtre sur le monde », mais une fenêtre orientée et filtrée par des professionnels qui transformaient des vues en informations autorisées. Désormais les images circulent sur internet et chaque bloggeur ou site internet comme Wikileaks mettent en ligne tout ce qui peut être vu. C’est une exposition directe à un monde de sensations parfois brutes et différentes. Le canal met en contact une variété de créateurs de contenus et une variété d’auditeur et de spectateurs. L’accoutumance à l’image est exacerbée. Les français consacrent 31 heures par semaines aux écrans dont 21 heures pour la seule télévision[9]. Le film sort du statut du moment de récréation ou de l’œuvre didactique commentée pour de nouveaux usages.
[1] http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_Photolangage
[2] Claudine VACHERET, « Photo, groupe et soin psychique », Presses
Universitaires de Lyon, 2000.
Claudine VACHERET, « Pratiquer les médiations en groupes thérapeutiques », Dunod, 2002.
[3] Voir à ce sujet les 2 publications d'Alain Baptiste et Claire Bélisle "Photo Méthodes"' parue en 1978, l’article figurant dans le no 52 de la revue "Education Permanente" en 1980 , et l’ouvrage Baptiste, A. Bélisle, C. Péchenart, JM. Vacheret, C. (1991), Photolangage. Une méthode pour communiquer en groupe par la photo." Paris : Editions de l'Organisation.
[4] Voir les photos de ces premières utilisations dans l’ouvrage de Richard Lick (1996), Histoire du CESI : mémoire de la formation, Paris : Les éditions du CESI.
[5] Le logiciel Microsoft Movie Maker permet à un débutant de créer ses propres films cf. http://www.commentcamarche.net/download/telecharger-34055158-windows-movie-maker
[6] Le volume de ressources est estimé en 2011 à 1,8 zettaoctet (1800 exaoctets) voir Compiègne, I (2011), La société numérique en question(s). Paris : Sciences Humaines.
[7] Voir http://www.dailymotion.com/fr, http://www.youtube.com
[8] FLICHY, P (2010), Le sacre de l'amateur : sociologie des passions ordinaires à l'ère numérique. Paris : Seuil
[9] DONNAT, O. (2009), Les pratiques culturelles des français à l’ère du numérique. Cultures études. (http://www.pratiquesculturelles.culture.gouv.fr/doc/08synthese.pdf)