Patrick Viveret philosophe-magistrat à la cour des comptes nous invite à reconsidérer la
richesse et notre manière de vivre. L'indicateur du PIB utilisé à l'ère industrielle semble aujourd'hui contre-productif.
Il montre dans son ouvrage l'écart croissant entre développement humain et développement économique. Il affirme que les choix exclusivement économique de mesure s'avèrent à la longue nocif pour le bien commun.
Son invitation à reconsidérer la richesse est aussi une invitation à reconsidérer nos manières de vivre et nos priorités. Un seul exemple illustre la folie dans laquelle nous nous sommes collectivement engagé.Selon le PNUD les dépenses annuelles de publicités dans le monde sont 10 fois supérieures à ce qu'il faudrait pour résoudre le problème de la faim, de l'accès à l'eau et du logement décent. Si une telle affirmation est difficile à vérifier, force est de constater avec l'auteur que nombre de dépenses sont devenues superfétatoire.
Tout semble se passer aujourd'hui comme si l'on conservait des instruments de pilotage par habitude, sans se poser de question. L'auteur cite Malthus pour lequel on utilise des thermomètres même s'ils sont faux mais parce qu'ils ont le mérite d'exister et que leur fabrication est plus simple.
L'auteur se range dans les critiques de la folie gestionnaire qui prétend tout mesurer. Hors à suivre le philosophe Husserl, il faut se méfier de cette approche car "calculer, c'est mettre hors circuit tous les modes du penser et toutes les évidences qui ne sont pas indispensables à la technique du calcul".
Le sens du mot valeur a été dévoyé, réduit à sa dimension économique ou d'échange. Or qu'observe t-on? Lorsqu'une catastrophe survient on n'appelle pas son banquier mais ceux qu'on aime. C'est exactement ce qui s'est passé dans le drame du world trade center pour les victimes des attentats. Les valeurs humaines devraient donc être mises en avant.
Selon Viveret, le véritable enjeu est la construction du bien commun, de l'intérêt général et de la qualité de vie. Le PIB ou le taux de croissance sont des indicateurs insuffisants car ils masquent la pollution, les drames sociaux, l'épuisement des ressources, le travail domestique, le bénévolat.
L'ouvrage de Patrick Viveret mérite d'être lu car il introduit de l'éthique, car il dénonce la passion calcularice-rationalisatrice, car il s'attaque à des croyances héritées jamais remises en question sur la valeur et la richesse, car il distingue la valeur d'usage et la valeur d'échange souvent assimilées ce qui conduit à un déni du service public et une marchandisation sans limite.
Patrick Viveret reprend la lecture des écrits économiques classiques un par un comme un informaticien reprendrait ligne à ligne son programme pour repérer où se niche le bug et qui conduit au dogme économique actuel. Il retrouve l'intelligence et le talent humain chez Adam Smith souvent occultés de sa théorie sur le fonctionnement de l'économie, mais tellement explicatif des économies modernes. Il remonte même jusqu'aux physiocrates et leur trouve une intuition écologique.
Patrick Viveret plaide enfin pour un état écologiquement et socialement responsable, valorisant deux facteurs de richesse : la vie et l'intelligence. Il offre des propositions coopératives pour sortir à la hausse d'une société de marché qui est allée trop loin sans contre pouvoir.