Depuis 1981, l'université Paris 8 édite une revue internationale en sciences de l'éducation et de la formation. Le numéro 60-61 a été coordonné par François Fourcade et Marlis Krichewsky. Il a pour titre FORMER LES MANAGERS. Il tranche des usages académiques par la volonté de s'inscrire dans une visée multidiscipliaire en puisant tant aux sciences de gestion qu'aux sciences de l'éducation mais également à la psychosociologie, à la sociologie aux sciences économiques et politiques. Il pose la question vive en temps de crise de la formation des managers.
Le premier article est une mise au point de la problématique il en sera donc plus particulièrement rendu compte. Il s'agit d'une mise au point sur les types de formation des managers :
- le mainstream classique orienté vers l'enseignement de techniques de management juxtaposées les unes à côté des autres
-un modèle classique ajusté qui s'intéresse aux savoir-faire et cherche par une teinte scientifique à améliorer les pratiques
- des modèles alternatifs : le service learning où le manager se conçoit au service de la société, la formation-action par laquelle un enseignant facilitateur aide au développement du praticien réflexif et enfin l'éducation critique au management qui critique les modèles de reproduction sociale des managers
A partir de ce constat le premier article présente la crise comme un pharmacon concept complexe qui permet de penser l'ambiguité de la situation économique et managériale actuelle, de percepvoir les risques et les opportunités. Cette crise est décrite comme enchainant une crise du sens, une crise des liens sociaux et des relations de travail et enfin une crise de la puissance d'agir pour rétablir une situation globale vivable. 3 cas réels d'entreprises sont développés démontrant les effets de cette succession de crises. Il en découle des perspectives pour imaginer d'autres formes de formation des managers :
- apprendre à dialoguer avec le réel et sortir des schémas de pensée (fonctionnel, disciplinaire) tout fait. Il convient ici d'apprendre à faire avec les contradictions pour innover
- développer une pensée indépendante qui ne soit pas inféodée à un pouvoir écrasant
- former et éduquer au delà de la transmission des savoirs pour coélaborer le sens, construire la confiance, donner du pouvoir d'agir
Cette transformation nécessite de développer des compétences transversales non-techniques. Il s'agit d'apprendre à apprendre, de développer l'esprit d'initiative et d'entreprise, de susciter une sensibilité et une expression culturelle, d'agrandir les compétences sociales et civiques, de se servir d'outils de manière interactive, d'interagir dans des groupes hétérogènes, d'agir de façon autonome, mais encore de penser par soi-même et de prendre soin de soi.
Ce référentiel de compétences offre une meilleure chance aux intelligences multiples de se développer et au sujet de s'émanciper au quotidien. Car l'avénement du sujet est une solution face à la crise traversée.
Enfin l'article termine sur le "comment faire". Les initiatives de presencing d'Otto Scharmer et les approches de world café sont mises en avant et un tableau est porposé reprenant les apports des approches Freinet, Krishnamurti, Steiner, Montessori, mouvement d'échange récirpoque des savoirs et la mouvance du développement personnel.
En conclusion les auteurs de l'article donne à voir la perspective d'un management émancipant dans des organisations apprenantes, assez loin des lourdes hiérarchies actuelles mais tellement stimulante au regard de la morne capacité d'engagement des dirigeants actuels.
Le deuxième article traite de l'agir communicationnel en entreprise et s'appuie sur l'exemple de la poste. Il montre en quoi la compétence communicationnelle est au coeur du management et constitue simultanément la condition et la finalité de toutes les compétences nécessaires au travail.
L'article trois s'intéresse à la formation des dirigeants aux facteurs humains. Au delà de l'enseignement de techniques, il fait le constat de l'incapacité des écoles de comprendre les dynamiques organisationnelles, et insiste sur l'importance d'envisager les compétences softs, voire même leur sagesse. Il propose de développer plus fortement les enseignements en sciences humaines.
Le quatrième article est un entretien avec Henry Mintzberg. Il réitère la pensée que l'entreprise n'est pas un agrégat d'individus à coordonner mais un collectif d'être humain. Dès lors les dirigeants doivent se défaire de leur narcissisme et se réengager dans le devenir collectif des organisations. L'analyse réflexive en petits groupes des pratiques est une perspective qui va dans ce sens.
Le cinquième article remet en question la façon dont l'apprentissage des business plan est opéré en école de gestion à l'opposé de ce qui est effectivement pratiqué par les entrepreneurs. Il propose de dépasser l'opposition en utilisant les expérimentations imaginées par l'internationale situationiste.
L'article conclusif propose l'idée de management émancipant des hommes et des organisations. Cette perspective s'appuie sur une philosophie interculturelle du sens du travail humain. Cette idée engage sur la visée éthique et la prise en compte des enjeux complexes. Elle nous fait sortir de la seule mesure quantitative et ouvre des perspectives philosophiques qui requièrent le développement de nouvelles qualités psychiques chez les managers telles que l'imagination, la sensibilité, l'intuition, la reliance, la volonté la raison, la méditation. L'article annonce également la création du MiMé le mouvement international du management émancipant.
Ce numéro devrait être envoyé à chaque directeur d'école de management pour qu'il se pose de sérieuses questions sur ce qu'il encourage, facilite ou décourage dans son établissement. Les questions posées et les perspectives proposées méritent un débat et des remises en question qu'il s'agirait de prendre au sérieux pour éviter des routines qui finissent par être destructrice de valeur, de confiance et de sens.