Toutes les disciplines ont leur mot à dire sur la marche de
l’entreprise. Cette fois c’est la paléoanthropologie. Plus particulièrement, c’est l’un de ses représentants Pascal Picq, expert de l’APM et membre du collège de France qui s’y applique. Ce
spécialiste des primates, des hominidés et de leurs mandibules fossiles est arrivé à la conclusion que l’homme en tant qu’espèce animale était à distinguer de l’humain en tant qu’espèce
philosophique. Il s’efforce dans son ouvrage de revenir sur les théories de l’évolution et de l’adaptation en les rapprochant du monde de l’entreprise. Après tout pourquoi pas l’homme est le seul
grand singe entrepreneurial. L’introduction, cherche a réhabilité Darwin qui aurait mauvaise presse. Les utilisations d’une théorie issue de la biologie passent mal dans le
domaine social tant pour des questions religieuses, que pour la justification de la « loi du plus fort » que certains tirent de la théorie de l’évolution.
La première partie croise évolution et entreprise. Tout d’abord la théorie de l’évolution est expliquée pour ce qu’elle est « une théorie du changement dans la nature ». L’expression « théorie de l’évolution » laisse penser à une forme de linéarité et de desseins qui se dérouleraient de façon imperturbable, ce que conteste l’auteur. Des facteurs internes et externes à la vie s’intègrent dans un jeu d’interaction sans fin. Aujourd’hui le climat est un facteur qui dépend pour partie des activités humaines et dont l’impact se fait luiaussi sentir sur l’évolution de la vie. Ensuite les mécanismes de l’évolution sont rappelés. La sélection naturelle se fonde sur le couple variation/sélection. La tension au sein de ce couple est exacerbée par l’abondance ou la rareté des ressources. Enfin la question de l’adaptation est soulignée. Pour l’auteur il n’existe pas, pour les entreprises, d’adaptation parfaite car de nombreux facteurs contingents et contextuels sont omniprésents. Dès lors, il est plus souvent observé des bricolages et des détours difficiles que des innovations dirigées et planifiées. Pour finir quelques stratégies adaptatives sont mises en exergue. L’auteur indique à propos de la crise qu’il existe des changements objectifs et la perception des modifications. Or pour la plupart des dirigeants nés dans une période de croissance continue c’est la vision linéaire, mécaniste et progressiste qui prédomine, quant bien même ce sont les interactions qui expliquent les évolutions. L’évolution de la vie ne serait ni gradation, ni une série de ruptures absolues, ne suivrait ni cycle ni projet prédéfini mais obéirait à une logique d’équilibres ponctués, c'est-à-dire de période de changement graduel entrecoupées de période de changements plus rapides. Adaptation, optimisation et chance seraient sous-jacent à ces mouvements.
La seconde partie traite de la France et de la culture entrepreneuriale. La France est d’abord décrite comme le pays de Lamarck. Pour l’auteur l’Europe continentale en soutenant grandes filières et administration reste Lamarckienne. C’est la persistance d’une vision linéaire, hiérarchique, progressiste mal à l’aise avec l’idée de diversité. Les entreprises dirigées par des personnes sortant des mêmes écoles produisent et préservent les mêmes types de fonctionnement. L’écologie entrepreneuriale française se satisfait plus de sanction que de droit à l’erreur. Le couple sélection/variation de notre système éducatif stimule peu les innovations. Les innovations à la façon de Lamarck ou Darwin sont présentées. La première est une forme d’innovation basée sur la recherche des ingénieurs en réponse aux sollicitations de l’environnement. La seconde produit des idées sans augurer de leur pertinence ou de leur utilité pour l’environnement. Il y a découplage entre l’idée et l’environnement. Il s’agit d’articuler ces formes d’innovations et d’apprendre à coopérer. Des systèmes de relation plus souples contribueraient à l’apparition d’innovations. C’est une logique de désordre créatif et de confiance dans les collaborations qui est ici visée par l’auteur. L’organisation apparaît comme un bricolage plus que comme une réussite incrémentale. Les innovations procèdent le plus souvent de réarrangements d’éléments déjà existants. L’innovation en silo produit moins d’innovations que l’innovation en réseau. Une source d’innovation négligée est la multiplicité des expériences locales. C’est dans la relation aux clients et aux ajustements immédiats que se produit cette innovation. Or les grandes entreprises procèdent du centre vers la périphérie et se coupent le plus souvent des remontées du terrain. Un nouveau champ d’innovation se fait jour avec le développement durable. Il ne s’agit pas d’une contrainte de plus, mais d’une ressources pour imaginer de nouveaux services et de nouvelles organisations du travail. Il s’agit de s’intégrer dans une empreinte écologique qui génère aussi de la plus value économique. C'est-à-dire qui s’inscrit dans la durée.
La conclusion décrit une entreprise Darwinienne qui s’adapte ne voit pas la concurrence comme un ennemi à abattre mais comme un élément de l’environnement. L’auteur pointe ce qu’il appelle l’erreur évolutionniste de Francis Fukuyama qui annonce l’écroulement du système sur lui-même. Il propose une vision positive dans laquelle l’adaptation et non les frontières artificielles conduira à de nouvelles richesses.
Un bonus : l'importance de la diversité (1')