L’utilisation du
vidéolangage© est réalisé à travers l’utilisation de courts extraits audio-vidéo pour ponctuer des formations. Pour accéder au rang de méthode, il s’agit de définir une intention et de
l’organiser avec structure. Dans l’approche du vidéolangage©, l’animateur utilise des séquences audio-vidéo courtes à des fins de création d’une forte motivation à apprendre, de stimulation des
capacités cognitives et créatives. Les liens opérés entre les séquences classiques de formation type exposés, exercices, jeu de rôles et les séquences audio-vidéo intégrées
créent un rythme différent d’apprentissage. Elle autorise des connexions imaginaires à l’environnement bien au-delà de la salle.
Trois conditions sont nécessaires pour impulser un tel rythme
- Calibrer le message
- Construire un sens
- Intégrer le message à une chaîne d’activité à finalité pédagogique
1. Calibrer le message
Un message audio-vidéo se caractérise par plusieurs paramètres.
Tout d’abord la durée est un indicateur d’appartenance au genre pédagogique.
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Une durée de 1 à 3 minutes peut constituer un « impact » : un impact est un effet instantané. Il est produit par l’exposition à une scène très explicite, brute voire stéréotypée. Les plans sont peu nombreux 2 à 3 maximum, l’enchaînement est rapide. La compréhension est immédiate. L’impact situe son action au niveau du ressenti physique immédiat. On parle ici de microlearning.
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Une durée de 4 à 5 minutes peut constituer un « exposé » : un exposé comprend une verbalisation plus nourrie que l’impact. L’entrée dans la scène, l’acmé puis la chute connaissent des articulations. L’exposé va au-delà du seul ressenti ou de l’intuition immédiate. Il permet le déroulement de plusieurs arguments, une démonstration.
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Au-delà de 6 minutes jusqu’à 15 minutes il peut s’agir d’un « court métrage » ou d’une « conférence » : la vidéo se fait histoire. Un discours ou un scénario ont le temps de se développer et de s’exprimer. Le nombre de plans ou d’acteurs mobilisables ou bien d’arguments autorise une plus grande exposition d’idées et de nuances.
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Le film : le film se range dans une catégorie différente des trois précédentes car il nécessite une attention de plus longue durée. Il obéît à une logique des personnages, des actions, du scénario, des rebondissements. L’intention de l’auteur mais aussi des acteurs a tout loisir de s’étirer. En effet, les interactions y sont plus nombreuses. La durée se prête à des développements, par exemple psychologiques, plus fouillés.
La fonction et les finalités des séquences sont variables. Ces séquences peuvent :
- Jouer le rôle d’ice-breaker[1]
- Créer de l’énergie
- Détendre, participer à la régulation du groupe
- Activer une émotion (peur, joie, tristesse, colère)
- Illustrer, démontrer
- Faire rêver
- Donner à réfléchir
Par ailleurs chaque scène mobilisée possède des attributs à prendre en compte tel que : la culture de référence et les implicites portés par les décors, les attitudes des personnages, la communication non verbale, le rythme. La vidéo est aussi orientée vers un public destinataire original : consommateur, actionnaire, prospect, étudiant etc. La qualité des images et de la bande son n’est pas à négliger. Chacun de ces éléments est soupesé pour servir le projet éducatif.
2. Construire un sens
Dans la théorie du langage, signifiant, signifié[2] sont distingués par Ferdinand de Saussure[3] et à ces deux premiers éléments s’ajoutent le référent. Cet ensemble constitue le lieu de révélation du sens.
Dans le cas du vidéolangage©, l’interprétation, la vérité, la leçon à dégager se trouve autant dans l’œil du destinataire, que de l’intention du créateur original. Mais plus encore, le formateur qui détourne une scène de film ou un spot publicitaire pour illustrer une situation relationnelle, ou déclencher un effet émotionnel appose sa propre vision. Il crée un sens et un usage nouveau. Au triptyque signifié, signifiant, référent, il convient d’ajouter le détournement du code. Les publicitaires sont passés maîtres dans l’art du décalage. Pour certains, ils sont in fine de grands pédagogues puisqu’ils parviennent à nous enseigner avec humour et par jeu les qualités essentielles d’une marque ou de leurs produits. La construction d’un sens partagé ne pourra donc être que le fruit des intersubjectivités agissantes. En cela le vidéolangage© conduit à un partage des référentiels de chacun. La projection vidéo peut, soit restée au niveau de la sensation et de l’émotion, elle agit alors comme une ponctuation visuelle dans un langage verbal, soit faire l’objet d’élaboration collective, elle participe alors à la construction d’une vision consciemment partagée, de renforcement d’appartenance à une culture et une histoire commune.
Intégrer le message dans une chaîne d’activités pédagogiques
La simple projection d’un clip vidéo constitue une illustration, une photo une forme d’exemple visuel. Mais l’articulation d’une multiplicité de clip-vidéos avec une progression dans un ensemble d’activités pédagogiques variées, crée une musicalité, un rythme spécifique. L’intégration réussie dépend du timing, des liens avec les séquences amont et aval, de la cohérence avec l’état émotionnel, la fatigue ou l’énergie des participants. C’est ici que l’art du vidéolangage© prend tout son sens. Il ne s’agit pas seulement d’utiliser une vidéo avec un usage approximatif d’être ludique ou de créer une variation, il s’agit dans le vidéolangage© d’utiliser les fonctions et potentialités repérées ci-avant pour que le déroulement pédagogique soit renforcé. Si l’on utilise l’image de la construction d’une phrase pour décrire un séquencement pédagogique la fonction des insertions vidéos doit aérer (ponctuation), fournir une précision (adjectif), porter le sens principal (verbe), engager (sujet).
[1] Ice-breaker à l’origine est la situation qui vient rompre la glace. Mais l’ice-breaker dans cette pédagogie est aussi un moyen pour la création d’émergence, de rupture pédagogique et de création de rythme.
[2] L'image acoustique (ou sensible) est appelée signifiant : ce n'est pas le son matériel, mais l'empreinte psychique de ce son ; le concept, appelé signifié, contient les traits distinctifs qui caractérisent ce signe par rapport aux traits d'autres signes de la langue. Le référent est l’objet désigné (http://fr.wikipedia.org/wiki/Signe_linguistique)
[3] De Saussure, F. (1916), Cours de linguistique générale. Paris Payot