Le succès des grandes universités anglo-saxonnes est à saluer. Elles attirent beaucoup d’étudiants, elles produisent de magnifiques recherches, elles ont des moyens, elles sont à la pointe. Bravo. Mais derrière une telle réussite, se profile une face plus sombre qui altère l’idéal éducatif. Elles sont en effet depuis longtemps devenues des « business unit » ce modèle commercial devancé par une invasion linguistique pénètre aussi dans nos écoles et risque de provoquer des dégâts et accroître les injustices. Quand arrêtera-t-on de regarder avec des yeux béats ce modèle destructeur qui promeut les valeurs du « winner take all » et écrase tous les autres?
Trois dérives de ce système sont condamnables
1 – L’enseignant-chercheur doit publier toujours plus pour progresser dans sa carrière (loi du publish or perish), cela le désolidarise des collectifs
Plus l’enseignant-chercheur publie dans des revues lues par quelques pairs, plus il participe à faire monter la côte de son université ou école, plus il monnaye sa réputation, plus les universités et écoles sont obligées de le rétribuer. Ce faisant la part de la recherche est valorisée et la dimension pédagogique décline. Pour certaines matières comme la gestion des personnes qui n’ont jamais travaillé en entreprise viennent révéler ce qui y passe. EQlles véhiculent des vérités théoriques et détruisent le bon sens. Certaines normes comme l’AACSB obligent même à limiter le nombre de professionnels dans les équipes pédagogiques. Il résulte de ce choix une augmentation des coûts, une exclusion ou raréfaction des pratiques pédagogiques, l’installation d’un esprit de compétition, un signal de renforcement adressé à l’individualisme.
2 – L’université devient une marque éducative
Plus une université ou école s’intègre dans une compétition internationale pour attirer les étudiants et leur vendre ses services, plus elle doit prouver son excellence, plus elle doit montrer sa capacité à détenir des professeurs prestigieux, dont le nombre et la qualité des publications infèrent la qualité. Elles doivent augmenter leur budget consacré à la recherche ou à la rétribution de stars, elles doivent alors trouver de nouvelles ressources. Elles augmentent les coûts d’inscription. Elles cherchent des ressources complémentaires en monétisant les savoirs par le moyen de revue de recherche qu’elles dirigent et des colloques qu’elles organisent. Elles imposent dans les revues qu’elles contrôlent les thèmes de leurs propres chercheurs et finissent par s’orienter sur les axes de recherche qui rapportent.
3 – L’étudiant cherche à acquérir un label reconnu pour travailler dans un emploi qualifié.
L’étudiant cherche un label de référence, il vise une école prestigieuse, il doit pour cela avec ou sans l’aide sa famille investir des frais de scolarité pour accéder à une école réputée. Les écoles en compétition cherchant à se démarquer ayant augmenté leurs frais, les endettements des étudiants augmentent. La sélection économique faiblement corrigée par les bourses aggrave les phénomènes d’exclusion et de reproduction sociale, paupérisent les étudiants qui s’endettent.
Même si l’idéal Français est fait d’égalité rarement atteinte, il semble urgent d’éviter la bulle que connait actuellement les états-unis où des étudiants partent dans la vie endettés pour plusieurs années. Le phénomène des faillites personnelles augmente. Il est socialement dangereux de prolonger un système dans lequel le véritable enjeu est d’accéder à un réseau des bonnes places qui exclue toute idée de méritocratie, idée par ailleurs déjà bien difficile à qualifier et à promouvoir. Il est dramatique de découpler la recherche des problématiques réelles des entreprises et de l'orienter en dehors des approches inter, multi, pluri disciplinaires aujourd'hui nécessaires. Il est urgent de valoriser le savoir comme bien commun et de freiner le business à tout crin