Nous assistons aujourd’hui à un morcellement des pratiques et à de multiples fractures qui témoigne de sens différenciés, voire antagonistes de la formation et de la professionnalisation :
- Fractures des espaces mentaux : l’actualité est à l’affaiblissement des logiques industrielles, syndicales, politiques qui avaient bâti le système actuel de la formation professionnelle avec la négociation de garanties collectives d’accès à la formation. La désindustrialisation, la désyndicalisation, l’émiettement politique l’accès aux savoirs sont avérés. Sur des données d’hier s’opposent aujourd’hui : la perspective collective (la logique du plan de formation) censée protéger et la part d’initiative individuelle pour évoluer d’autre part. La tendance de l’individualisation est peu prise en compte alors que le plan de formation est toujours un outil reproduit sans remise en question.
- Fractures des finalités et modalités formatives entre des grandes entreprises tournées vers des pratiques internationales, mettant en place des universités d’entreprise, intégrant des pratiques visant des compétences intégrées, des PME innovantes ou traditionnelles et des TPE pour laquelle la professionnalisation en situation de travail est une issue parfois la seule.
- Fractures numériques : les compétences de base se séparent entre consommateurs d’informations rapides, utilisateurs avertis et codeurs (hackers). Ces 3 profils d’apprenants numériques n’utilisent pas pareil les ressources en ligne. Alors que plus de 80% des Français utilisent internet seul 50% l’utilisent au travail (dont seulement 27% d’employés et ouvriers). Une autonomisation est perceptible. Les façons d’apprendre et les rapports à l’autorité se transforment avec les usages d’internet.
- Fractures d’autorité liées à la déstabilisation des croyances. Les croyances étaient irrationnelles elles étaient soutenues par des signes que la société construisaient. Deux croyances ont été ébréchées : 1) dans les années 90 (chômage des cadres) la croyance dans le lien entre « travail loyal pour l’entreprise = sécurité de l’emploi + carrière » 2) jusqu’aux années 2000, la croyance dans l’instruction, le diplôme suffisait pour motiver et soutenir les projets de formation. Avec le chômage des jeunes un doute s’installe (décalage entre emploi qualifié et diplôme). La croyance dans la relation à l’employeur et à l’éducation est remplacée par la confiance et les preuves qui vont avec. Les paroles d’autorité sont remplacées par du marketing de l’école et du storytelling (il faut donner du sens aux salariés).
Le système de la formation professionnelle est daté, il s’agit 1) d’accélérer le passage vers l’apprenance qui encourage beaucoup plus les engagements individuels 2) de soutenir les dirigeants et les salariés les plus distancés dans la compréhension du phénomène internet. Il faut débuter par les compétences informationnelles. C’est un nouvel enjeu d’alphabétisation.