A écouter les experts du marketing il n'y aurait qu'une manière de développer des communautés d'apprentissage, c'est d'appliquer les règles des grands nombres (la théorie de la grande traine) un maximum de buzz, de bons outils techniques web 2.0, un community manager astucieux et l'affaire est faite. Peu importe si sur les 15000 inscrits au site ou au MOOC moins de 10% restent jusqu'à la fin et apprennent quelque chose, l'essentiel est ailleurs. Ne s'agit-il pas avant tout de siphonner leur attention et de leur vendre quelque chose? Pendant qu'ils regardent la main du prestidigitateur, ils ne voient pas disparaître l'objet précieux. Un adage veut que sur internet le visiteur est soit le client, soit le produit (ses données personnelles sont revendues, le plus souvent à son insu). J'appelle cette stratégie de développement d'une communauté la stratégie 1, une autre approche qui respecte mieux l'essence des liens étroits que suppose la vie communautaire sera décrite comme stratégie 2.
Stratégie 1 : appliquer les règles du marketing à l'apprentissage
Dans cette stratégie, l'opérateur propose un cadre formatif, un niveau de guidance. Le maître du jeu demeure le formateur, même si son pouvoir s'est déporté vers un scénario plus élastique, des mises en situation guidées et plus interactives. L'essentiel est de "peupler" le site, le MOOC, de compter les clics et de faire participer les participants. Au bout du bout un modèle économique capte de la valeur des acteurs engagés, le plus souvent indirectement.
Stratégie 2 : partir des individus, des territoires et de leurs enjeux
Dans cette stratégie le qui et le pourquoi l'emportent. La communauté naissante se coalise autour d'enjeux et de territoire. Les uns et les autres se crochent à partir de leur désir d'apprendre au service d'une finalité ou d'un territoire partagé. Ils prennent la direction de leur apprentissage. Ils se dotent de moyens pour ce faire. Parfois ces moyens sont électroniques. Une institution peut alors soutenir le projet d'apprendre et mettre à disposition des moyens, des compétences voire même des budgets. Elle le fait car les enjeux individuels soutiennent ses propres missions.
Le point commun de ces deux stratégies est la culture. Dans la stratégie 1, la culture conditionne l'ouverture possible et le droit concédé ou non aux individus de se définir ses propres buts d'apprentissage. Le but demeure de réaliser un gain. La culture prégnante reste Dans la stratégie 2, la culture est une finalité et un moyen. La communauté qui se crée le fait en connexion avec les enjeux professionnels et sociaux dans lesquels elle se développe. La stratégie 1 maintient les individus sous contrôle pendant que la stratégie 2 ouvre à plus d'émancipation, c'est à dire de prise en main par les individus eux-mêmes de leur propres visées, sur leurs propres territoires.
Internet et son pouvoir de relier peuvent poursuivre les visée habituelles, servir ceux qui disposent de tout, ou au contraire s'intéresser à ceux qui disposent de moins de ressources.